Se défendre, s’émanciper

Analyses, Réflexions

 

Se défendre, s’émanciper

Table ronde
Mathieu Rigouste, Elsa Dorlin, Farid El Yamni, Aurélia Michel

Retransmission vidéo

Comment se défendre contre la violence des dispositifs d’oppression et de répression ?
Comment s’en émanciper ?
Cette table ronde était organisée la veille de l’arrivée de la Marche des sans-papiers vers l’Élysée, le 17 octobre, qui est aussi le jour de la commémoration du massacre des Algériens le 17 octobre 1961, un crime contre l’humanité commis en plein Paris. Mathieu Rigouste a écrit sur le déploiement du dispositif qui a permis de perpétrer ce crime policier de masse.
Les médias n’ont pas du tout parlé de la Marche des sans papiers —à laquelle participe Le paria — qui s’est tenue le lendemain de la table ronde, le 17 octobre. L’horrible meurtre du professeur d’histoire n’explique pas seul ce silence. Avec la manifestation d’Assa Traoré devant le tribunal en juin, les manifestations de sans papiers organisées dans le cadre de la Marche des solidarités sont les seules qui aient eu une certaine envergure depuis la fin du confinement. Des marcheurs arrivant des quatre coins de France ont mobilisé 20 000 personnes à Paris, le jour même où entrait en vigueur le couvre feu. Les années précédentes, ces manifestations ne parvenaient pas à mobiliser plus de quelques milliers de personnes.
Ce silence médiatique intervient aussi dans un moment où le gouvernement martèle un discours sur le “séparatisme” opposé à la sacralité de l’État : discours désormais véritablement comparable, par sa violence, son allophobie et ses menaces, à celle de n’importe quelle dictature.
Après deux états d’urgence, deux proclamations de guerre, voici le couvre-feu : à un jour près, les propos qui se sont tenus ici auraient pu être étouffés par l’instauration de ce nouveau dispositif martial.

Cette table ronde “Se défendre, s’émanciper”

co-organisée par Le paria et les éditions PMN, à la Flèche d’Or,

prend tout son sens dans ce contexte

Laurent & Moha

Avec :
Mathieu Rigouste, à partir de son livre Un seul héros le peuple (éd. PMN, 2020) et de diffusion de témoignages et d’images d’archive
Elsa Dorlin, à partir de son livre Se défendre. Une philosophie de la violence (La Découverte, 2017)
Farid El Yamni, du Comité justice et vérité pour Wissam El Yamni.
Rencontre animée par :
Aurélia Michel, historienne, spécialiste de l’histoire des Amériques noires et latines, auteure de Un monde en nègre et blanc. Enquête historique sur l’ordre racial (Seuil, 2020).

 

La captation vidéo a été réalisée par Acta.

Le paria dédie cette table ronde à la mémoire de Raymond Gurême et de Maurice Rajsfus.

Un grand merci à celles et ceux qui ont rendu possible la tenue de cet événement :
Elsa, Mathieu, Farid, Aurélia
Malika, Zazie, Nabi, Jade, Julie, Juliette, François, Pascale
François, Issa, Arthur, Josselin, Micka, Angèle
Assia, Sihem, Nathalie, Julie
PMN éditions, La Flèche d’Or, ObliQ, ACTA, Collectifantome, la Cantine des Pyrénées, Fréquence Paris Pluriel, Radio Aligre

Nous présentons nos excuses à toutes celles et ceux qui n’ont pu entrer dans la salle, l’audience étant limitée à 90 personnes du fait des consignes sanitaires.

Pour Le paria, Moha & Laurent


Mathieu Rigouste, sociologue indépendant, poursuit depuis une quinzaine d’années des recherches sur le système sécuritaire et sa généalogie coloniale. Il conduit ses recherches depuis les luttes sociales et au service des luttes sociales.

Il a publié :

  • L’ennemi intérieur. La généalogie coloniale et militaire de l’ordre sécuritaire dans la France contemporaine (La Découverte, 2009)
  • Les marchands de peur. La bande à Bauer et l’idéologie sécuritaire (Libertalia, 2011)
  • La domination policière. Une violence industrielle (La fabrique, 2012).

Il intervient dans la table-ronde à partir de son dernier livre :

  • Un seul héros le peuple. La contre-insurrection mise en échec par les soulèvements algériens de décembre 1960 (éditions PMN, 2020).

Fruit de sept années de recherches en France et en Algérie : ce livre reconstitue de manière méticuleuse un épisode méconnu de la guerre d’Algérie : le soulèvement populaire de décembre 1960, parti d’Aïn Témouchent et qui a gagné Oran puis l’ensemble des villes algériennes et qui a fait échec à la guerre contre-insurrectionnelle menée par l’armée française. Il s’interroge dans cet ouvrage sur les conditions qui ont permis ce soulèvement, montrant les liens de solidarité qui ont permis la préservation de capacité de résistance et d’autonomie populaire malgré l’usage massif de la violence et les dispositifs de contrôle et de surveillance de l’armée française.

Son intervention est appuyée par des témoignages recueillis au cours de son enquête et qui apparaissent dans le film qu’il a réalisé : Un seul héros le peuple.

Elsa Dorlin, philosophe, professeure à Paris 8-Saint Denis, est l’auteure de :

  • La matrice de la race. Généalogie sexuelle et coloniale de la Nation française (La Découverte, 2006)
  • Sexe, genre et sexualité. Introduction à la théorie féministe (PUF, 2008)

Elle intervient dans la table ronde à partir de son dernier livre :

  • Se défendre. Une philosophie de la violence (Zones, 2017, réédité par La Découverte, 2017)

Elle y pose le concept « d’autodéfense populaire » ou « autodéfense politique ». « Une ligne de partage oppose historiquement les corps “dignes d’être défendus” à ceux qui, désarmés ou rendus indéfendables, sont laissés sans défense. Ce “désarmement” organisé des subalternes pose directement, pour tout élan de libération, la question du recours à la violence pour sa propre défense ».

Farid El Yamni, animateur du Comité Justice et Vérité pour Wissam El Yamni, est l’une des figures les plus connues parmi les proches de personnes tuées par la police. Son frère Wissam a été assassiné dans un commissariat de police de Clermont-Ferrand dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier 2012.

Comme celui des autres comités « vérités et justice », son long combat qui se poursuit encore aujourd’hui soulève la question du déni des violences policières et de leur caractère raciste, qui repose sur le mensonge systématique et la falsification des faits par l’autorité publique (institutions policière et judiciaire). L’impossibilité d’avoir recours au droit pour obtenir justice pose le problème du “nous” dans un système intrinsèquement raciste qui transforme les victimes en coupables pour les rendre “indéfendables”.

Aurélia Michel, historienne, maître de conférences à l’Université de Paris, chercheure au Centre d’études en sciences sociales sur les mondes Africains, Américains et Asiatiques (CESSMA). Spécialiste de l’histoire des Amériques noires et latines, elle est l’auteure de :

  • Un monde en nègre et blanc. Enquête historique sur l’ordre racial (Seuil, 2020)

Elle anime la table ronde.