Coronavirus en prison : politiques coupables et réponses lamentables des pouvoirs publics face à un désastre imminent

 

En écho – Communiqué

 

Coronavirus en prison : politiques coupables et réponses lamentables des pouvoirs publics face à un désastre imminent

Un vieillard de 74 ans, atteint par le coronavirus, a été incarcéré à la prison de Fresnes le 8 mars. Il est décédé le 16 mars, après avoir contaminé quatre employées de la prison (deux infirmières, une gardienne, une cadre RH). Le lendemain, alors que tout le monde commentait les larmes de crocodiles de l’ex-ministre de la Santé prétendant avoir alerté le gouvernement dès le 11 janvier de la catastrophe sanitaire qui se préparait, le très mal nommé ministère de la Justice informait à propos du décès de ce vieillard : “il était âgé et très vulnérable, avec des problèmes de santé. Il était diabétique”.
La prison de Fresnes est par ailleurs connue — comme d’autres — pour son insalubrité, sa surpopulation, ses mauvais traitements des prisonniers incluant traitements dégradants et inhumains. Les alertes et les condamnations de la France pour la surpopulation de ses prisons sont récurrentes. Elles ont franchi un nouveau stade le 30 janvier 2020 lorsque la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné le système carcéral français dans son ensemble pour sa surpopulation chronique, l’absence de possibilités de recours effectifs, et les violences contraires aux droits droits de l’homme commises dans les prisons.
Le Défenseur des droits, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, l’Observatoire international des prisons, des associatons et des collectifs demandent aujourd’hui qu’il soit mis fin immédiatement à la surpopulation dans les prisons françaises.
Pourquoi a-t-on incarcéré un vieillard malade, présentant les symptômes du Covid-19 ?
Pourquoi n’a-t-on pas anticipé le désastre sanitaire aujourd’hui imminent dans les prisons françaises ?
Le paria exige des éclaircissements
ainsi que des poursuites judiciaires à l’encontre
de la Garde des sceaux et de l’ex-ministre de la Santé
 


Des infos concernant l’impact de la crise de coronavirus sur les prisons
sont mises à jour quotidiennement sur le site de Observatoire international des prison, section française
Coronavirus en prison : l’essentiel

 

Nous publions ci-dessous une mini-revue de presse
– Coronavirus : “réduisons le nombre de personnes incarcérées pour de courtes peines ou en fin de peine”, tribune (1000 signataires), Le Monde, 19 mars 2020
– Prisons : réduire la surpopulation pour éviter la crise sanitaire, communiqué commun, OIP, 18 mars 2020
– Coronavirus : Le Défenseur des droits réclame des mesures pour désengorger les prisons, Ouest-France, 20 mars 2020
– Confinement en prison : la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) Adeline Hazan demande des libérations anticipées, France inter, 19 mars 2020
– “Ça va basculer dans une petite guerre”. Témoignages de détenus face au coronavirus, France inter, 19 mars 2020
Pour mémoire :
– Surpopulation carcérale : la CEDH condamne la France à y mettre un terme, OIP, 30 janvier 2020
– Pourquoi la France est-elle régulièrement condamnée pour l’état de ses prisons, OIP, 1er février 2020
– Surpopulation, matelas au sol et crasse : la France condamnée par la justice européenne pour ses prisons, Le Monde, 30 janvier 2020
– Prisons françaises : la surpopulation à l’origine de conditions de détention contraires aux droits de l’homme, Le Monde, 30 janvier 2020

 

Coronavirus : “réduisons le nombre de personnes incarcérées pour de courtes peines ou en fin de peine”
Tribune (1000 signataires), publié par Le Monde le 19 mars 2020

Un collectif de chercheurs, d’avocats et d’avocats demande à l’État d’agir au plus vite pour réduire la pression carcérale et diminuer les risques de transmission du Covid-19 en prison, tant pour les détenus que pour les personnels pénitentiaires.

A l’heure où les consignes sanitaires imposent un confinement dans nos logements et une limitation drastique de la circulation de tous, où chacun doit respecter une distance de sécurité de plus d’un mètre à la boulangerie, des hommes, principalement, mais aussi des femmes et des enfants, vivent à plusieurs, derrière les murs en maison d’arrêt dans des cellules de quelques mètres carrés. Des hommes et des femmes qui y travaillent, des surveillants pénitentiaires, des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, des éducateurs, des directeurs, des professionnels de santé, éprouvent au jour le jour cette promiscuité.

Il n’est pas question de remettre en cause les motifs de l’incarcération, prononcée par des juridictions pénales dans le respect des procédures en vigueur mais de s’interroger sur les mesures exceptionnelles qu’il est désormais nécessaire d’adopter face à la pandémie en cours. Alors que la Cour européenne des droits de l’homme a récemment condamné la France, considérant les conditions de détention au sein de ses établissements surpeuplés comme un traitement inhumain et dégradant, les mêmes établissements se trouvent aujourd’hui confrontés à la plus grave crise sanitaire du siècle.

Dans le contexte de la lutte contre la propagation du virus et de la protection des personnes fragiles, il y a urgence à agir pour diminuer la pression carcérale et permettre l’application, dans les maisons d’arrêt, des consignes élémentaires et impératives d’hygiène et de distanciation sociale. Pas demain. Pas la semaine prochaine. Aujourd’hui.

La première personne contaminée en détention à Fresnes est morte le 16 mars. Compte tenu de l’épidémie de Covid-19, tout ce qui rend supportable les jours qui se suivent dans le quotidien d’une détention et permet à la personne d’évoluer a été suspendu. Travail, scolarité, formation, activités socioculturelles et visites des proches.

Prisons : réduire la surpopulation pour éviter la crise sanitaire
Publié le 18 mars 2020 sur le site de l’OIP

Communiqué commun de l’Association des avocats pour la défense des droits des détenus (A3D), l’Association nationale des juges de l’application des peines (ANJAP), l’Observatoire international des prisons-section française (OIP-SF), le Syndicat des avocats de France (SAF) et le Syndicat de la magistrature (SM)
La situation des établissements pénitentiaires français ne permet pas aujourd’hui de faire face à la crise du coronavirus. Difficile à l’extérieur, le confinement est presque impossible en prison. Il risque en effet, à tout moment, d’accroître fortement les tensions et de déclencher des émeutes à l’instar de celles qui ont eu lieu en Italie. Dans des établissements surpeuplés, parfois insalubres, les mesures de prévention et de prise en charge sont inapplicables. Face au risque de crise sanitaire et sécuritaire, il faut aujourd’hui permettre à un maximum de personnes de sortir immédiatement de ce vase clos.

Dans le contexte déjà tendu des maisons d’arrêts surpeuplées, la perspective d’un confinement strict est particulièrement préoccupante. Le 17 mars, les parloirs ont été suspendus, privant l’ensemble des personnes détenues de la visite de leurs proches – eux-mêmes confinés chez eux. En parallèle, toutes les activités ont été mises à l’arrêt : cours, ateliers, interventions, formations, etc. Seules les promenades ont été maintenues. En Italie, où les parloirs avaient été brutalement suspendus le 9 mars dernier, des mutineries ont immédiatement éclaté dans 27 prisons, entraînant la mort de 12 détenus et laissant 40 surveillants blessés. Alors que la France vient d’être condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour les conditions de détention indignes dans ses prisons, les rares facteurs d’apaisement en détention sont aujourd’hui mis à mal : maintien des liens avec les proches, possibilité de passer du temps en dehors de sa cellule, perspectives d’aménagement de peine ou de permission de sortir, possibilité de travailler pour gagner un peu d’argent et acheter en cantine de quoi améliorer le quotidien, etc. Si le confinement imposé à la population générale peut être en partie adouci par les moyens de communication moderne, rappelons que les détenus ne peuvent utiliser internet et ont un accès restreint au téléphone : pour ceux – la grande majorité – qui ne bénéficient pas encore d’un téléphone fixe en cellule, ils dépendent du personnel pénitentiaire pour accéder aux cabines placées sur les coursives ; et pour tous, ces appels ont un coût important, qui limite de fait leur capacité à prendre des nouvelles de leurs proches.

En outre, 144 établissements pénitentiaires ou quartiers sont en situation de suroccupation. Les détenus y vivent à 2, 3 voire 4 dans des cellules exiguës – quand ils ne sont pas dans des dortoirs de 6 ou 8, comme dans certaines prisons. Impossible, dans un tel contexte, d’appliquer les consignes de prévention. A la promiscuité en cellule s’ajoute la multiplication des contacts à l’occasion des promenades ou des douches collectives. Malgré cela, les détenus n’ont pas le droit de porter des masques ; ils n’ont, pour la plupart, pas de gants ; le gel hydro-alcoolique leur est refusé, l’alcool étant interdit en détention. Par ailleurs, les contacts entre détenus et personnel pénitentiaire sont inévitables – alors que surveillants, eux aussi, rapportent manquer de matériel de protection. Enfin, si l’épidémie devait se diffuser en détention, les unités sanitaires des établissements pénitentiaires, déjà surchargées et en sous-effectif, ne seraient pas prêtes à faire face à un afflux massif de malades.

Il est aujourd’hui urgent, pour limiter les risques de crise sanitaire en détention, de réduire drastiquement le nombre de personnes détenues, comme vient de le demander la Contrôleure général des lieux de privation de liberté. Il faut d’abord limiter le nombre des entrées : privilégier les peines alternatives à l’incarcération et le placement sous contrôle judiciaire à la détention provisoire, différer la mise à exécution des peines de prison et, surtout, limiter fortement les audiences de comparution immédiate, particulièrement pourvoyeuses d’incarcération. En parallèle, il faut impérativement faire sortir de prison toutes les personnes qui peuvent l’être. Des instructions devraient être données aux parquets afin de systématiser et généraliser les mesures déjà prévues par la loi : libérer sous contrôle judiciaire les personnes prévenues, multiplier les aménagements de peine et anticiper la libération des personnes en fin de peine, suspendre les peines pour raison médicale des personnes les plus vulnérables, etc. Des dispositions exceptionnelles pourraient par ailleurs être prises en plus de ces mesures : augmentation des réductions de peine, examen des demandes de libérations sous contrainte sans réunion de la commission d’application des peines, loi d’amnistie, etc. La priorité des juridictions ne doit plus aller aux audiences facteur d’incarcération – comme la comparution immédiate, pourtant classée par la chancellerie au rang des contentieux d’urgence appelés à être maintenus – mais à celles qui permettront au contraire de la limiter, tels que les débats devant les juridictions de l’application des peines. Car l’emprisonnement constitue un risque sanitaire qui met aujourd’hui en danger la vie de ceux qui y sont condamnés et de ceux qui les accompagnent.

(Accéder au communiqué)

Coronavirus : Le Défenseur des droits réclame des mesures pour désengorger les prisons
Publié par Ouest-France, le 20 mars 2020

Dans une lettre adressée à la ministre de la Justice, Jacques Toubon, qui dénonce le risque d’atteinte au droit à la santé et à la vie des détenus des prisons françaises, réclame la mise en place d’alternatives à l’incarcération comme la libération sous contrôle judiciaire ou la suspension des peines pour raison médicale. Le Défenseur des droits demande, par ailleurs, le recours à des moyens communications à distance pour maintenir le lien entre les détenus et leur famille.

Le Défenseur des droits Jacques Toubon appelle le gouvernement à prendre des mesures pour diminuer « la surpopulation carcérale » dans les prisons françaises, qui « accroit les risques de contamination » par le coronavirus, dans un courrier officiel envoyé jeudi.

La lettre, adressée à la ministre de la Justice Nicole Belloubet, « souligne le risque, dans la situation d’emprisonnement, de la propagation du virus Covid 19 et l’atteinte au droit à la santé et à la vie des détenus et des personnels pénitentiaires », a résumé l’institution indépendante dont les avis restent consultatifs.

Le nouveau coronavirus n’a pour le moment fait qu’une victime parmi les 70 000 détenus français — un homme de 74 ans décédé lundi et qui était incarcéré à Fresnes (Val-de-Marne) —, mais la situation des prisons inquiète, particulièrement dans certaines maisons d’arrêt où la suroccupation frôle les 140 % et où nombre de détenus sont trois en cellule.

Parloirs suspendus

Depuis mardi, date à laquelle le confinement est entré en vigueur en France, les parloirs sont suspendus dans toutes les prisons et les tensions se multiplient, faisant redouter un scénario à l’italienne, où des mutineries violentes ont fait plusieurs morts.

Face à cette situation, M. Toubon enjoint à la garde des Sceaux de donner des « instructions aux parquets », pour qu’ils puissent requérir le plus souvent possible la « libération sous contrôle judiciaire » des détenus qui n’ont pas encore été jugés, et un aménagement ou une libération anticipée pour ceux qui sont en fin de peine, a fait savoir l’institution.

Il propose également que les procureurs réclament autant que possible une suspension des peines pour raison médicale pour les détenus les plus vulnérables, âgés ou avec un état de santé qui les fragilise face au virus, et l’octroi de permissions et d’autorisations de sortie.

« Alternatives à l’incarcération » pour les mineurs

Enfin, M. Toubon demande à la ministre de favoriser les relations des détenus avec leur avocat et leur famille, grâce à des « moyens de communication à distance ».

Le Défenseur des droits réclame aussi de mettre des « alternatives à l’incarcération » pour les mineurs qui doivent « plus que jamais » être mises en oeuvre. Au 1er janvier 2020, 804 mineurs étaient incarcérés, dont 660 en attente de leur jugement, rappelle-t-il.

Afin d’apaiser le climat en détention, Mme Belloubet a annoncé jeudi des mesures compensatoires : la gratuité de la télévision, un crédit téléphonique de 40 euros par mois et une aide financière pour les plus démunis.

La ministre a également demandé aux juridictions de « différer la mise à exécution des courtes peines d’emprisonnement », avec pour conséquence des entrées en prison quotidiennes moindres ces derniers jours: « une trentaine » contre « plus de 200 habituellement ».

Confinement en prison : la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) Adeline Hazan demande des libérations anticipées,
par Corinne Audouin et et Audrey Dumain, diffusé sur France inter le 19 mars 2020

Le confinement imposé pour lutter contre le Coronavirus fait monter la pression dans les prisons. Les parloirs sont suspendus et les dernières annonces de la ministre de la Justice pour adoucir le quotidien des détenus ne suffisent pas. Selon la contrôleure des prisons, il faut réfléchir à une loi d’amnistie.

Alors que le coronavirus progresse en France, les structures pénitentiaires doivent également respecter des règles de confinement. Les parloirs ont été suspendus pour tous les détenus de l’Hexagone, qui ne peuvent plus voir leurs proches. La pression monte dans les prisons et mardi dernier Adeline Hazan, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté, a appelé à “réduire la surpopulation pour éviter la crise sanitaire”.

Ce jeudi, Nicole Belloubet a donc annoncé en urgence plusieurs mesures pour calmer les tensions. Elle reconnait notamment que “la régulation de l’occupation des maisons d’arrêt constitue une priorité pendant cette période”. Suffisant pour faire face à cette crise exceptionnelle ? Entretien avec Adeline Hazan.

France inter : Télévision gratuite, crédit pour le téléphone, aide pour les plus démunis… Nicole Belloubet a annoncé des mesures pour les détenus afin de compenser la suspension des parloirs. Selon vous, cela pourrait-il calmer les choses en détention ?

Adeline Hazan : La situation est extrêmement dramatique, tant pour les détenus que pour les surveillants. Je prends note des mesures annoncées par la garde des Sceaux et je pense qu’elles vont dans le bon sens, mais elles restent insuffisantes. Accorder 40 euros par mois sur le compte téléphonique ne suffit pas. Les personnes ne peuvent absolument plus avoir de contact avec leurs proches, je demande donc une gratuité totale des téléphones. Je pense que la gratuité du téléphone est aussi importante que la gratuité de la télévision. La crise sanitaire et sociétale existe évidemment encore plus dans les prisons, on ne peut pas raisonner en termes de coût budgétaire et peu importe le coût que cela aura pendant quelques semaines.

La ministre a également demandé aux juridictions “de différer la mise à exécution des courtes peines d’emprisonnement”…

“Cela me paraît aussi aller dans le bon sens. Mais je demande qu’il y ait aussi des libérations anticipées, notamment pour les courtes peines. Et par ailleurs, j’appelle la garde des Sceaux à impulser des mesures de grâces individuelles et à les multiplier. Elle pourrait également réfléchir et proposer une loi d’amnistie. Les lois d’amnistie existaient jusqu’en 2007. La situation que nous vivons actuellement justifie précisément qu’il y en ait une dans ces circonstances totalement exceptionnelles. Sinon, nous allons devant une situation extrêmement grave et je le répète, tant pour les détenus que pour les surveillants.”

La crainte, c’est aussi le risque de mutineries ? On a évidemment en tête les événements début mars en Italie…

“Oui, absolument. Il y a déjà eu des débuts de mutinerie dans certains établissements qui ne sont pas allés plus loin. Mais il est évident que s’il n’y a pas des mesures plus fortes que celles annoncées, il y aura des problèmes dans les établissements pénitentiaires et particulièrement dans les maisons d’arrêt où les détenus se retrouvent à deux ou trois dans des cellules de neuf mètres carrés. Je rappelle qu’on est souvent à 200% de sur-occupation. Maintenant, les détenus se retrouvent sans activité avec un peu de promenade, mais pas beaucoup donc il est évident que s’il n’y a pas des mesures plus larges dans les jours qui viennent, on va au devant de problèmes extrêmement graves. La situation est suffisamment grave pour qu’il n’y ait plus d’idéologie dans la gestion de cette crise. Des mesures humanitaires doivent être prises dans la plus grande urgence”.

“Ça va basculer dans une petite guerre”. Témoignages de détenus face au coronavirus,
par Charlotte Piret, émission diffusée sur France inter le 19 mars 2020

France Inter a joint plusieurs détenus dans leurs cellules de Villepinte, Fleury-Mérogis et Fresnes. Ils nous ont confié leurs inquiétudes et la tension qui s’installe dans les prisons françaises depuis la mise en place de mesures restrictives face au Covid-19.

Qu’ils soient détenus à Fleury-Mérogis, Villepinte, Fresnes, Nanterre ou Châteauroux, ils racontent la prison désormais sans parloir, ni contact avec l’extérieur, toutes les activités nécessitant le recours à des intervenants extérieurs – ateliers socio-culturels, enseignement, travail –  ayant été supprimées.

Vidéo de témoignage envoyée par un détenu à France inter – cliquer sur l’image pour la visionner

En compensation, et afin d’éviter les crispations, la direction de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis a par exemple augmenté le nombre de promenade. Mais la situation reste très difficile à supporter pour Hakim, que nous avons joint depuis sa cellule. “Aller au parloir, c’est un réconfort. On voit sa famille, on prend des nouvelles. Et là, je n’ai plus le droit d’aller voir ma femme, mes enfants. C’est très très dur.”

Karim, 33 ans, est particulièrement inquiet : sa sœur a été contaminée par le coronavirus. Il se sent impuissant et d’autant plus isolé. Dans la maison d’arrêt de Villepinte, où il est détenu depuis un peu moins d’un an, il a clairement senti la tension monter d’un cran.

Hygiène et risques de contamination 

Une situation qui risque d’aller en empirant. “80% des détenus font entrer leur cannabis au parloir”, explique encore Karim. Or, l’épuisement des réserves de cannabis des personnes incarcérées est une source de tensions importantes.

S’ajoutent également les inquiétudes des détenus pour leur propre santé. “Ils ne séparent pas les nouveaux arrivants, qui étaient encore dehors après l’arrivée du coronavirus, et les anciens”, s’alarme ce détenu de Villepinte. “On est chaque jour en danger, témoigne cet autre prisonnier.

Dans ce contexte, et afin d’éviter d’alourdir encore la surpopulation carcérale, la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, demande de retarder l’exécution des courtes peines de prison. “Ces mesures sont d’ores et déjà suivies d’effet : on comptabilise ces derniers jours une trentaine d’entrées en prison quotidiennes, contre plus de 200 habituellement”, précise la Chancellerie dans un communiqué.

(Accéder au site)

Remarque du paria : ni le gouvernement, ni l’administration pénitentiaire ne peuvent apporter de réponse à la pénurie de cannabis provoquée dans les prisons par l’interruption des parloirs. Outre la violence des Robocop (Equipes régionales d’intervention et de sécurité), il est vraisemblable que l’on va davantage encore abuser de médicaments psychotropes pour tenter de mater les détenus en colère en les assommant : littéralement et chimiquement.

Les Robocop (Equipes régionales d’intervention et de sécurité) en intervention dans la prison d’Epinal


Surpopulation carcérale : la CEDH condamne la France à y mettre un terme
Publié sur le site de l’OIP le 30 janvier 2020

Dans un arrêt historique rendu le 30 janvier, la Cour européenne des droits de l’homme condamne la France pour conditions de détention inhumaines et dégradantes, mais elle l’invite aussi à prendre des mesures générales pour mettre fin à la surpopulation qui gangrène les prisons françaises. En outre, constatant l’ineffectivité des voies de recours offertes aux personnes détenues, la Cour recommande de mettre en place un mécanisme leur permettant « de redresser la situation dont ils sont victimes ». Cette décision intervient à l’issue de cinq années d’une campagne contentieuse orchestrée par l’OIP.

Par son arrêt rendu le 30 janvier, la CEDH, saisie de 32 requêtes individuelles, condamne la France pour traitements inhumains et dégradants (violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme) en raison des conditions de détention imposées au requérants et pour le non-respect du droit à un recours effectif (violation de l’article 13). Surtout, la Cour constate que « les taux d’occupation des prisons concernées révèlent l’existence d’un problème structurel » et recommande à la France « l’adoption de mesures générales visant à supprimer le surpeuplement et à améliorer les conditions matérielles de détention », ainsi que de mettre en place « un recours préventif permettant aux détenus, de manière effective, en combinaison avec le recours indemnitaire, de redresser la situation dont ils sont victimes ». Il s’agit là d’un arrêt historique qui, selon la juge européenne O’Leary « jouera un rôle important de catalyseur des changements qui doivent être opérés par l’État. »

Accéder à l’article

 

Pourquoi la France est-elle régulièrement condamnée pour l’état de ses prisons,
publié sur le site de l’OIP le 1er février 2020

L’indignité des conditions de détention dans de nombreux établissements pénitentiaires français – en particulier les maisons d’arrêt mais également certains établissements pour peine – est dénoncée depuis de nombreuses années.

Des conditions de détention indignes

Surpopulation chronique, vétusté, insalubrité, hygiène défaillante, absence d’intimité générant violences et tensions, carences d’activités… A ce jour, 35 établissements pénitentiaires ont été considérés comme exposant les personnes détenues à des traitements inhumains ou dégradants par la justice française.

Des condamnation pour torture, traitements inhumains ou dégradants

La France a par ailleurs été condamnée à 17 reprises par la Cour européenne des droits de l’homme en raison de conditions de détention violant l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme qui prohibe la torture et les traitements inhumains ou dégradants. Ces condamnations concernent les conditions matérielles auxquelles les détenus sont soumis, des manquements aux soins médicaux ou encore des défaillances dans la prise en charge de personnes qui se sont suicidées en prison.

Le France condamnée pour sa surpopulation carcérale chronique

Dans un arrêt historique rendu le 30 janvier 2020, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour conditions de détention inhumaines et dégradantes dans six établissements, mais elle l’a aussi invitée à prendre des mesures générales pour « résorber définitivement » la surpopulation qui gangrène les prisons françaises. Cette décision est intervenue à l’issue de cinq années d’une campagne contentieuse orchestrée par l’OIP. (Accéder à l’article)

Surpopulation, matelas au sol et crasse : la France condamnée par la justice européenne pour ses prisons
par Donia Ismael, publié par Le Monde le 30 janvier 2020

Une trentaine de détenus avaient porté plainte devant la Cour européenne des droits de l’homme, qui recommande d’« envisager des mesures » contre « le surpeuplement » carcéral.

Surpopulation, matelas au sol, crasse, bruit incessant : une trentaine de détenus avaient porté plainte pour dénoncer leurs conditions de détention. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) leur a donné raison, jeudi 30 janvier, en condamnant la France.

Saisie entre 2015 et 2017 par 32 détenus des prisons de Nice, Nîmes, Fresnes, Ducos (Martinique) et de Nuutania (Polynésie), – dont 29 ressortissants français, un ressortissant cap-verdien, un polonais et un marocain –, la justice européenne recommande à l’Etat d’« envisager l’adoption de mesures générales visant à supprimer le surpeuplement et à améliorer les conditions matérielles de détention », selon un communiqué de presse diffusé par la Cour, sans toutefois lui intimer d’agir, mais en recommandant de prendre des mesures face à ce « problème structurel ».

Absence de recours effectif

Les requérants dénoncent également l’absence de recours effectif dont ils disposent, puisque le Conseil d’Etat a reconnu la violation des droits fondamentaux des détenus dans certaines prisons mais estimé qu’il n’était pas du ressort des juges administratifs d’arbitrer les choix de gestion d’un établissement pénitentiaire ou la politique pénale.

La France connaît toujours une forte surpopulation carcérale

Evolution du nombre de détenus écroués et de places opérationnelles dans les prisons françaises depuis 2009 (Le monde ; source : ministère de la (in)Justice)

Selon les derniers chiffres trimestriels rendus publics par l’administration pénitentiaire, il y avait 70 818 personnes incarcérées dans les 188 établissements pénitentiaires français le 1er octobre 2019, pour 61 065 places opérationnelles. La densité carcérale s’établissait à 116 %, en baisse de 2 % en un an. Le nombre de matelas au sol s’élevait à 1 497, contre 1 353 un an auparavant.

Dans son arrêt, la CEDH a estimé que les détenus requérants n’avaient pas, dans leur majorité, bénéficié de « conditions de détention décentes » et a souligné la portée limitée du pouvoir d’injonction du juge administratif, condamnant la France à la fois pour absence de recours effectif et traitements inhumains ou dégradants.

“C’est un grand chantier qui s’ouvre”

Si les requêtes avaient été présentées à titre individuel par les détenus, ainsi que l’exige la procédure devant la CEDH, elles avaient été coordonnées dans le cadre d’une campagne mise en œuvre par l’Observatoire international des prisons (OIP).

Cet arrêt n’est pas un arrêt pilote, procédure instituée par la CEDH quand elle est saisie de très nombreuses requêtes sur un même problème et qu’elle fixe un délai pour le résoudre. Toutefois, pour Patrice Spinosi, l’avocat de l’OIP, l’arrêt rendu constitue un « quasi-arrêt pilote » et « une immense victoire, l’aboutissement des efforts de l’OIP depuis dix ans pour faire reconnaître l’état de délabrement des prisons françaises ». Selon l’avocat, avec cette condamnation, « c’est un grand chantier qui s’ouvre », exigeant une « réflexion globale sur le sens de la peine » et non pas la seule construction de nouvelles prisons.

La CEDH a déjà pris des décisions similaires contre certains Etats, comme l’Italie, la Hongrie et la Roumanie, pour les forcer à agir contre la surpopulation carcérale, sans toutefois dicter leur politique pénale. Un rapport publié en avril 2019 réalisé pour le Conseil de l’Europe plaçait la France parmi les très mauvais élèves de l’organisation en termes de surpopulation carcérale, avec un taux de 116 détenus pour 100 places, derrière la Roumanie (120) et la Macédoine du Nord (122).  (accéder à l’article)

Prisons françaises : la surpopulation à l’origine de conditions de détention contraires aux droits de l’homme
par Jean-Baptiste Jacquin, publié dans Le Monde le 30 janvier 2020

Saisie par trente-deux détenus, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France, dans une décision rare rendue jeudi.

C’est une condamnation qui va faire date. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a choisi de réunir en une seule décision les cas de trente-deux personnes qui se plaignaient de leurs conditions de détention dans des prisons françaises pour condamner, jeudi 30 janvier, la France sur deux motifs particulièrement humiliants pour une grande démocratie riche.

La Cour de Strasbourg a jugé à l’unanimité que la France avait violé l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme selon lequel « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants », et l’article 13 garantissant le « droit à un recours effectif ».

Ce n’est pas la première fois que la CEDH condamne la France pour des mauvais traitements en détention. Mais il s’agissait de cas individuels. Cette fois, c’est une situation structurelle qui est dénoncée par les juges. Ils estiment que la surpopulation carcérale, endémique dans le pays, est à l’origine de conditions de détention contraires aux droits de l’homme.

Dans cet arrêt de 77 pages, les juges européens condamnent la France à indemniser les plaignants pour leur préjudice (l’addition pour l’Etat dépasse 500 000 euros). Surtout, ils recommandent au gouvernement « d’envisager l’adoption de mesures générales » pour faire cesser ces violations.

« La France est désormais placée sous la surveillance du Conseil de l’Europe et va devoir justifier de mesures concrètes pour faire cesser la surpopulation carcérale, et permettre un recours effectif des détenus devant les juridictions françaises », estime Patrice Spinosi, l’avocat que l’Observatoire international des prisons – section française (OIP) a choisi pour coordonner ces procédures devant la CEDH.

(Accéder à l’article)