Publié sur RFI, 9 mars 2018
Mohamed Lamouri, le chanteur de la ligne 2 sort du métro
On le voyait régulièrement chanter son raï déchirant dans les rames de la ligne 2 du métro parisien, un synthétiseur à l’épaule : Mohamed Lamouri, jeune Algérien de 35 ans, est aujourd’hui associé à la plateforme musicale La Souterraine et au label Almost. Il vient de sortir son premier EP, Chanteur de Paris, et s’entoure désormais du groupe Mostla. Portrait.
Le destin tient parfois à une correspondance de métro. Celui que l’on surnomme le “chanteur de la ligne 2”, Mohamed Lamouri, raconte avec humour, de sa voix abrasive, pleine de fissures et d’étincelles, comment il a un jour atterri sur son tronçon fétiche, Courcelles-Père Lachaise : “J’ai testé la 6, la 8, avant d’atterrir durablement sur la 4. Mais un jour, je te jure, il faisait une chaleur à crever, au moins 40° sur Paris. J’étouffais sous terre. Je me suis dit : ce week-end, je change de ligne ! Une sorte de court-circuit, avec du brouillard et tout, m’ont décidé !”
Mohamed emprunte les couloirs, direction la 2, en partie aérienne, celle qui file à travers ces quartiers populaires qu’il adore, ses fiefs de Ménilmontant et Belleville, qui abrite son “spot”, le café Le Zorba. Depuis, avec son synthétiseur rafistolé, posé sur son épaule comme un Stradivarius, ses maigres arpèges répétitifs au bout des doigts, sur lesquelles s’envole sa mélodie, il envoûte les rames de ses sortilèges. Car, au passage de Mohamed, le temps s’arrête ; les voyageurs suspendent leur course et leur souffle, pour prêter l’oreille et le cœur à sa voix charismatique, son chant de chamane, son blues de déraciné, entre ombre et lumière, patiné par l’existence.
Pour l’amour d’Hasni
Le jeune homme atteint de cécité quasi totale chante, avec un charme incomparable Hotel California d’Eagles ou Billie Jean de Michael Jackson, en version arabe. Surtout, il interprète son héros, le roi du raï love, Cheb Hasni, mort en martyr, assassiné en 1994, pour avoir chanté l’amour et la vie trop librement.
De son idole, Mohamed connaît tous les titres. Ainsi éclaire-t-il : “Hasni, notre préféré à tous, adore les gens populaires. Il raconte des histoires simples : l’amour, les séparations, les gens sans parents…” Dans le métro, des fêtards dansent sur ses arpèges, les beats électriques de sa boîte à rythmes, et des Algériens lui confient leurs émotions : telle chanson leur rappelle leur mariage, leur divorce, une tranche de vie, là-bas.… Et puis, quand Mohamed chante, les smartphones capturent l’instant et les images du chanteur voyagent autour du globe, envoyées par les touristes, même jusqu’à Melbourne. (lire la suite)