L’atelier

 

Ce site expose le travail d’écriture en cours d’un livre : Le retour du refoulé.

Il s’agit d’un livre à deux voix, bâti sur le récit de sa vie par Mohamed, spolié de son droit au séjour en France et contraint à lutter pour exister et faire reconnaître son existence.

Notre collaboration est fondée sur un lien d’amitié et de solidarité. En explorant un mode de narration original, notre but est de connaître et de faire connaître : la fabrication de ce récit fonctionne comme un dispositif d'enquête.

Mohamed est un exclu parmi tant d’autres. Nous montrons à travers son histoire particulière comment les politiques migratoires, sécuritaires, pénales, identitaires, urbaines (banlieues), sociales se conjuguent et produisent de l’exclusion en prétendant faire le contraire. Nous explorons leur enracinement dans l’histoire complexe des relations entre la France et l’Algérie, et la part du refoulé colonial qui ne cesse de faire retour bruyamment dans les débats publics des deux côtés de la Méditerranée.

Ce site est l’atelier où s’expose notre travail. Il publie des passages du livre en cours : une écriture en forme de puzzle, au plus près de la manière dont nous fabriquons le récit. Comme un atelier d’artiste, il expose les outils et matériaux avec lesquels nous travaillons. Les références aussi bien musicales et artistiques que journalistiques, militantes, documentaires et scientifiques. Il s’efforce de constituer à sa manière un centre de ressources et de tisser des liens : entre littérature et sciences sociales, entre différentes formes d’expression, entre un combat singulier et une multitude de luttes, entre réseaux et collectifs militants, associatifs, artistiques, scientifiques.

Atelier d'écriture expérimentale leparia

 

 “Ouvrir sa gueule, déballer la merde, se rebiffer”

C'est l’histoire d’une rencontre de l’université et de la rue, et le point de départ d’une écriture de l’exil.
Entretien à lire sur nonfiction.fr

Les mots sont une arme de combat
Écouter Leparia dans l'émission
Comme un bruit qui court

France inter, 29 avril 2017

 

Moha Laurent exilS pluriels Le pays de votre langue
Texte écrit, lu et interprété par Rachel Cohen en ouverture de la soirée Le paria à La Colonie 13 juin 2017
à lire dans "écriture en direct"

Le retour du refoulé

Moha raconte. Sa condition de refoulé. Il raconte son débarquement en Algérie où il est expulsé en 2012 par décision de police, sans autre forme de procès. Vaste prison à ciel ouvert dont il s'évade. Il raconte son enfance en Allemagne, l’expérience de la misère et sa jeunesse gâchée en France. Les foyers, la restauration son métier, la délinquance, les gardes-à-vue, les tribunaux, les prisons. Il n’a pas compris, en sortant de taule, qu’il est devenu indésirable. Il est refoulé en Algérie, sans s’y attendre, sans avoir même imaginé qu’il aurait pu l’être un jour. Après 15 ans de vie en France. De retour à Paname, il galère sans papiers : en lui refusant un titre de séjour, l’administration sait très bien qu'elle le condamne à une vie de paria. Elle n'en a cure, puisque c'est ce qu'on lui demande. C’est donc un long combat qui se poursuit : un combat épuisant contre la condition de paria, un combat parmi une multitude d'autres.

De l'autre côté du désastre

Laurent raconte. Depuis son expérience d'anthropologue. Il expose à partir de ses propres recherches un faisceau de tableaux pour contextualiser ce récit. Il parle de la France, de l'Algérie, mais aussi de la Côte d'Ivoire ou de l'Ouzbékistan. Il s'efforce de donner un aperçu sur la situation du monde actuel, et notamment des mécanismes de production de l'altérité qui sont à l'œuvre. Il montre le caractère dangereusement répressif de l'alliance aujourd'hui dominante du libéralisme et du nationalisme réactionnaire, qui conduit à un désastre toujours plus grand. De l'autre côté du désastre, la vie tout simplement. A travers le récit de Mohamed, c'est un système qu'il s'agit d'éclairer, une logique de production en masse d'indésirables et de parias du monde contemporain qu'il faut comprendre, déconstruire et contester résolument.

 

Au bout du petit matin…

Césaire Cahier d'un retour au pays natal lepariaVa-t-en, lui disais-je, gueule de flic, gueule de vache, va-t-en je déteste les larbins de l’ordre et les hannetons de l’espérance. Va-t-en mauvais gris-gris, punaise de moinillon. Puis je me tournais vers des paradis pour lui et les siens perdus, plus calme que la face d’une femme qui ment, et là, bercé par les effluves d’une pensée jamais lasse je nourrissais le vent, je délaçais les monstres et j’entendais monter de l’autre côté du désastre, un fleuve de tourterelles et de trèfles de la savane que je porte toujours dans mes profondeurs à hauteur inverse du vingtième étage des maisons les plus insolentes et par précaution contre la force putréfiante des ambiances crépusculaires, arpentée nuit et jour d’un sacré soleil vénérien.

(Aimé Césaire, Cahier d’un retour au pays natal, éd. Présence Africaine, 1947)