Mathieu Rigouste : « La violence policière n’a rien d’accidentel » (interview, Les Inrocks, 11 décembre 2012)
La violence policière est rationnellement produite et régulée par l’Etat », telle est la thèse du nouveau livre de Mathieu Rigouste, La domination policière, une violence industrielle. Trois ans après L’ennemi intérieur, ce militant et chercheur en sciences sociales analyse la transformation des violences policières dans les quartiers populaires et leurs effets sociaux sur la vie quotidienne. (lire la suite)
Mathieu Rigouste : « Alain Bauer et le consortium de la peur » (LMSI, 18 mars 2012, extrait du livre Les marchands de peur)
Alain Bauer, comme Yves Roucaute et de nombreux néoconservateurs, vient de la gauche libérale et anticommuniste. Comme eux, sa formation politique lui a fourni une connaissance théorique des mécanismes du capitalisme. Il a saisi très tôt la puissance dont disposeraient les marchands de peur et les marchands de sécurité en société de contrôle. En combinant ces deux marchés, il a conquis des positions qui lui permettent désormais de dominer en partie le secteur idéologique de cette industrie. […]
Il avait créé pour l’occasion, une entreprise à son nom, AB Associates, qu’il a domiciliée à proximité de la Saic-Europe au Cnit-La Défense. Désormais conscient et convaincu par les perspectives économiques et politiques des marchés de la criminalité et du contrôle, il pérennise sa firme de « conseil et formation en sécurité urbaine ». Il quitte alors la vice-présidence de la Saic-Europe et en devient « senior consultant ». Il intègre dans sa nouvelle entreprise une dizaine d’amis qu’il nomme « consultants ». On y trouve ainsi Nathalie Soulié, épouse de Manuel Valls, au poste de secrétaire. Manuel Valls, son vieil ami, milite dès lors activement pour que les municipalités de gauche investissent dans la sécurité urbaine. (lire l’article)
« A propos de l’Ennemi intérieur » (par Benjamin Stora, historien de l’Algérie, Compte rendu de l’ouvrage de Mathieu Rigouste sur le blog Mediapart)
La thèse de Mathieu Rigouste soutenue en 2008 à l’université Paris 8, l’Ennemi intérieur, vient d’être publiée aux Editions La Découverte. Mathieu Rigouste a réalisé un travail de recherche sur les représentations de l’immigration en France à partir d’une problématique audacieuse, originale, différente.
La figure de l’immigré qui se dégage de cette étude est celle d’un « ennemi intérieur », sorte de « cinquième colonne »comme greffée sur le corps de la société française. L’auteur, pour sa démonstration, pour sa thèse (car il s’agit là d’une vraie thèse, d’un engagement sur un point de vue, et pas d’une simple compilation prudente et savante d’archives) valorise la pensée politico-militaire à l’œuvre dans le champ intellectuel et médiatique. Dans la construction d’un système de représentations, à base militaire donc, la séquence guerre d’Algérie joue un rôle essentiel. (lire la suite)
« Mathieu Rigouste, La domination policière, une violence industrielle » (compte rendu par Tristan Maarawi, Lectures, 2013)
Comment la violence policière est-elle encadrée, orientée et utilisée ? Quels en sont les objectifs et à quelles fins est-elle utilisée ? Quels mécanismes sociaux sont engendrés par celle-ci ? C’est ce que Mathieu Rigouste propose d’analyser de manière très précise dans son ouvrage. En décrivant rigoureusement l’histoire des pratiques policières dans certains quartiers populaires qui découlent de logiques politiques, économiques et médiatiques depuis les années 1970, il dénonce un système de ségrégation endocolonial néolibéral français. Son concept découle notamment du travail du géographe Stephen Graham sur l’étude du phénomène de la violence policière « dans la plupart des grandes puissances impérialistes » (lire la suite)
Rappelons que Stephen Graham est un géographe britannique, qui a le premier soutenu la thèse d’une militarisation des banlieues (Villes sous contrôle. La militarisation de l’espace urbain, La Découverte, 2012 ; lire le compte rendu).
Le thème de la militarisation des banlieues et de sa genèse dans les guerres coloniales, notamment la guerre d’Algérie, est repris avec un grand talent dans le roman d’Alexis Jenni, L’Art français de la guerre (Gallimard, 2011), véritable roman à thèse, qui a reçu le prix Goncourt en 2011.
Voir également le dialogue entre Alexis Jenni et Benjamin Stora publié dans : Les mémoires dangereuses. De l’Algérie coloniale à la France d’aujourd’hui (Benjamin Stora avec Alexis Jenni, Albin Michel, 2016).
Mathieu Rigouste : « La police est là pour maintenir l’ordre économique » (entretien par Hacina Mechaï, blog Mediapart, 13 mai 2016)
Mathieu Rigouste est militant et chercheur indépendant en sciences sociales. Essayiste original, il tente, à travers divers travaux et livres, d’articuler logiques économiques, politiques et sécuritaires. Il décrit l’existence de ce qu’il nomme « un système de ségrégation endocoloniale à l’intérieur des sociétés impérialistes». Les guerres coloniales constitueraient des « laboratoires de l’ordre sécuritaire », notamment pour le contrôle des quartiers et des classes populaires. Il développe également l’idée d’une industrialisation de la violence policière et d’une restructuration du capitalisme autour des questions militaro-sécuritaires. Ses réflexions peuvent éclairer la gestion sécuritaire du mouvement Nuit Debout mais également des manifestations dernières (et à venir). (lire la suite)
Ouvrages de Mathieu Rigouste :
- L’ennemi intérieur : la généalogie coloniale et militaire de l’ordre sécuritaire dans la France contemporaine, La Découverte, 2009.
- Les marchands de peur : la bande à Bauer et l’idéologie sécuritaire, Libertalia, 2011.
- La domination policière : une violence industrielle, La Fabrique éditions, 2012.
- Le marché global de la violence, Lux, 2015.
- État d’urgence et business de la sécurité, Niet Éditions, 2016.
L’ennemi intérieur.
La généalogie coloniale et militaire de l’ordre sécuritaire dans la France contemporaine.
Par Mathieu Rigouste, La Découverte, 2011
Résumé : La France des années 2000, comme de nombreux pays, a vu se confirmer un modèle de contrôle censé protéger la population contre la prolifération, en son sein, de « nouvelles menaces » : islamisme, terrorisme, immigration clandestine, incivilités, violences urbaines… Et pour justifier cet arsenal sécuritaire, un principe s’est imposé : désigner l’« ennemi intérieur ». Cette notion évoque la guerre froide, quand cet ennemi était le communisme. Et surtout les guerres coloniales d’Indochine et d’Algérie, quand l’armée française a conçu la « doctrine de la guerre révolutionnaire », afin d’éradiquer au prix des pires méthodes la « gangrène subversive pourrissant le corps national ».
Si cette doctrine a été évacuée officiellement depuis lors par l’État, certains de ses éléments clés auraient-ils contribué à façonner cette grille de lecture sécuritaire qui présente les populations immigrées issues de la colonisation comme les vecteurs intérieurs d’une menace globale ? C’est ce que montre Mathieu Rigouste dans ce livre rigoureusement documenté, en s’appuyant notamment sur un corpus d’archives conservées à l’École militaire. Retraçant l’évolution des représentations de l’ennemi intérieur dans la pensée d’État depuis les années 1960, il révèle l’effrayante évolution du contrôle intérieur, de ses dimensions médiatiques et économiques, ainsi que la fonction de l’idéologie identitaire dans la mise en œuvre du nouvel ordre sécuritaire.