Qui est nous ? — Exposition Philippe Bazin, Christiane Vollaire

Philippe Bazin / Christiane Vollaire

Qui est nous ?

du 4 octobre 
au 10 novembre 2019

Maison de la Photographie Robert Doisneau
1, rue de la Division du Général Leclerc 94250 GENTILLY, France

DU MERCREDI AU VENDREDI 13H30 / 18H30 SAMEDI ET DIMANCHE 13H30 / 19H00 FERMÉE LES JOURS FÉRIÉS

Les principes éthiques et esthétiques se sont très tôt imposés dans l’œuvre photographique de Philippe Bazin : questionnant la normalisation institutionnelle, évacuant les systèmes médiatiques, cette œuvre se distingue d’emblée des schémas visuels dominants (ceux du photoreportage notamment) pour adopter d’autres approches, d’autres protocoles de prises de vues. L’œuvre écrite de Christiane Vollaire se définit quant à elle, pour une large part, comme une philosophie de terrain, attentive à des réalités qui ne sont pas traditionnellement attribuées à la discipline philosophique dans son exercice académique. Elaborée à partir de constats, de recherches et d’entretiens, en lien avec l’élaboration des concepts autant qu’avec l’histoire des idées, son approche philosophique vise à « produire de la pensée à partir du concret ».
 La collaboration entre la philosophe et le photographe remonte à la fin des années 1990, et s’est construite au fil de leurs recherches sur différents terrains et selon différentes actualités telles que l’exil, le rapport au pouvoir et les mouvements de revendication ou, plus récemment, les solidarités face aux politiques néolibérales. L’ensemble exposé à la Maison Doisneau propose, pour la première fois Solidarités en Grèce, mené à quatre mains par Philippe Bazin et Christiane Vollaire, associant à nouveau les exigences de la photographie documentaire et celles de la philosophie de terrain, autour de la question du commun. L’exposition rassemble trois séries, trois approches documentaires radicales et innovantes où s’organisent analyses, entretiens et images :

– La radicalisation du monde (extrait) révèle la face humaine dans différents moments de l’existence et dans différents lieux institutionnels.

– Femmes militantes des Balkans (extrait) met en lumière, en relation avec leurs paroles, des femmes activistes d’ex -Yougoslavie et d’Albanie, à la fin de la dernière guerre des Balkans.

– Solidarités en Grèce donne la parole et une visibilité aux acteurs – y compris exilés – des nombreux engagements solidaires alternatifs dans la population grecque.

RENCONTRE / SIGNATURE DE LIVRES en présence de Philippe Bazin et Christiane Vollaire 
Mardi 29 octobre à 19h30, Maison Doisneau

Références

Philippe Bazin
Pour une photographie documentaire critique
éditions Créaphis, 2017

Engagé dans un projet artistique, Philippe Bazin prend parti et analyse des œuvres de Lewis Baltz, Allan Sekula, Martha Rosler ou encore Bruno Serralongue, ainsi que de photographes moins connus comme Géraldine Millo, David Marlé ou Mahaut Lavoine. Les textes rassemblés créent une unité de réflexion autour d’une photographie critique des contextes historiques, esthétiques et idéologiques dans lesquels elle se crée aujourd’hui, une « photographie documentaire critique ». Mais la critique vient aussi des confrontations, frottements et écarts qui, dans les œuvres, ouvrent un espace réflexif pour les spectateurs. Chaque texte ouvre une nouvelle facette de cette photographie, alors que l’ensemble est introduit par un texte qui entend proposer une méthodologie de travail, une « attitude documentaire ». Le livre explore ainsi les apports d’une posture critique, dans tous les sens du terme – appréciation, épreuve, seuil, distance, tension, crise, analyse – et s’achève par la formulation d’un « manifeste documentaire » (écrit avec la philosophe Christiane Vollaire). Conscient des aspects polémiques que sa position pourrait susciter, l’auteur souhaite ainsi participer aux discussions sur la place des images photographiques dans l’espace public. À ce titre, l’ouvrage intéressera toutes celles et tous ceux qui s’interrogent sur le rôle possible de contre-pouvoir de la photographie documentaire.

Christiane Vollaire
Pour une philisophie de terrain
éditions Créaphis, 2017

Ce petit livre condense sous la forme d’un manifeste une réflexion inédite sur la « philosophie de terrain ». Cette locution semble de prime abord un oxymore, tant le terrain caractérise cette part des sciences humaines qui se distingue de la philosophie. Cependant, la tradition philosophique elle-même, y compris ses courants « idéalistes », ne cesse de s’inquiéter de sa relation à l’empirique, de ses effets sur le monde autant que de la manière dont le réel bouscule ses présupposés. Les années 2000 sont propices à interroger ce rapport au terrain, à questionner les pistes qu’il ouvre à une philosophie politique soucieuse d’interroger, comme le proposait Gramsci, les fonctions de l’intellectuel et ses instrumentalisations possibles. Se refuser à être un organe de pouvoir conduit à utiliser le travail de terrain comme fer de lance critique. Une telle critique devra aussi porter sur la partition sociale qui autorise la position philosophique elle-même : celle qui, dissociant le travail intellectuel du travail « manuel » ou technique, semble accorder au premier non seulement une préséance hiérarchique, mais plus encore un monopole de la pensée. Cette partition ne concerne pas seulement la philosophie, pour laquelle la question du terrain n’a jusqu’ici pas été posée de façon centrale, mais l’ensemble des sciences humaines. Celles-ci considèrent en effet la pratique de l’entretien comme un matériau d’investigation, mais non comme le moment d’une réciprocité de la réflexion. Le concept d’une philosophie de terrain conduit donc à penser une politique de l’entretien et à considérer celui-ci, au-delà du simple témoignage, comme l’élaboration d’une expérience spécifique de pensée. Les textes des entretiens n’ont pas le statut d’annexes, mais celui de référents du discours, au même titre que des citations d’auteurs : ils participent de la construction des concepts. La distance établie par la philosophie ne peut pas être un hors-sol. Le premier temps du parcours montre que cette proposition se distingue à la fois d’une tradition philosophique dominante et des usages du terrain dans l’ensemble des sciences humaines. Le deuxième temps met en évidence les précédents que constituent les démarches d’une autre tradition philosophique qui en a posé les jalons : chez Spinoza, Marx et Engels, Simone Weil, Arendt et Foucault, mais aussi chez Bourdieu. Le troisième moment aborde les expériences du terrain et leur formalisation à partir de trois exemples (en Égypte, au Chili et en Bulgarie) avant d’de poser la question d’une politique de l’entretien et de soulever les problématiques esthétiques liées à la démarche documentaire.