Mise en procès contradictoire du Code noir, du Code de l’Indigénat et du Code des étrangers
Pièce proposée, écrite et mise en scène par Maylis Isabelle Bouffartigue
Compagnie Monsieur-Madame
Adaptations et extraits
Coloniser, exterminer, Olivier Le Cour Grandmaison, Fayard
De l’Indigénat, Olivier Le Cour Grandmaison, Zones
Le Code Noir ou le calvaire de Canaan, Louis Sala-Molins, Puf
CESEDA: Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
Discours : Brice Hortefeux et Éric Besson (anciens ministres de l’Immigration, de l’Identité Nationale et du Développement Solidaire), Claude Guéant (ancien ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer, des Collectivités Territoriales et de l’Immigration), Manuel Valls (ministre de l’Intérieur) et François Hollande (président de la République Française).
Distribution
Willy Mancel, Sylvie Dyclo-Pomos, Maylis Bouffartigue : Comédiens
Noir-chose dont les maîtres pouvaient user, tirer les fruits brutaliser, violenter et aliéner à leur guise …
Indigène-sujet des colonies Françaises et non citoyen de la IIIème République, soumis à une loi spéciale dite de police …
Etranger aujourd’hui, à la France, à sa cultures et à ses valeurs, régi par un Code qui en réglemente l’entrée, le séjour et le droit d’asile…
Il y a entre ces « catégories » d’individus, par essence juridique et par définition légale, malgré le temps passé, les empires tombés, les territoires remembrés, un lien indéfectible, un instrument de comparaison ultime, une même marque qui traverse l’Histoire, notre histoire.
Esclaves, indigènes et étrangers, ils étaient et sont encore soumis à une législation d’exception, un Code : le Code Noir avant-hier, le Code de l’Indigénat hier et le Code de l’entrée et du séjour des étrangers, et du droit d’asile en France, aujourd’hui.
Tous objets, sujets du droit et étrangers au droit.
Note d’intention
La préoccupation première de « La Mise en Procès » est de faire entrer le spectateur dans un raisonnement logique et conscient. Aussi tout ce qui peut faire appel au sensitif et à l’abstrait est évité. Ceci est un parti pris radical.
Un procès met en jugement un individu et ses actes au regard de la loi. Ici, cette réalité est déplacée et le parti pris est de mettre la loi elle-même en jugement, au regard de l’individu et de la société civile
« La Mise en Procès » est un objet théâtral périphérique au travail artistique de la Compagnie monsieur madame. Théâtre citoyen, ce procès fictionnel nous conduit sur les chemins de l’histoire, des cultures et de l’altérité. C’est aussi une réflexion sur l’identité et la mémoire, l’individu et le collectif.
Comment et pourquoi certaines tranches de population sont-elles soumises à des codes juridiques d’exceptions ? Comment et pourquoi les lois et le droit sont-ils spécifiques et concernent uniquement des « catégories » d’individus dites à part ? En quoi cela est-il légitime ?
A l’heure où l’étranger est sujet d’actualité, n’oublions pas.
N’oublions pas que l’étranger d’aujourd’hui est l’indigène et le nègre d’antan, soumis à la même logique et à la même base idéologique. Une logique mercantile : l’économie a besoin de travailleurs pour se développer et accroître le grand négoce mondial. Les nègres, indigènes et étrangers sont les bras qui nous ont toujours manqué mais ce besoin n’est jamais avoué ni assumé par les gouvernements européens et notamment français. Une logique idéologique qui met en avant l’hégémonie de la race blanche. On maquille ces logiques de considérations religieuses, philosophiques, scientifiques, sociologiques, humanistes, droits-de-l’hommistes selon les époques, pour justifier l’injustifiable, légaliser l’illégalisable, codifier l’incodifiable : l’exploitation de l’homme par l’homme et ce qui l’accompagne: la maîtrise des déplacements et circulations des individus. Les populations que l’on va chercher, puis que l’on parque, puis que l’on refoule, suivant les périodes de l’histoire, mais que l’on enferme toujours à un moment ou un autre parce-que considérées comme une menace ; mais que l’on méprise toujours parce-que au fond considérées non seulement comme dangereuses mais aussi composés d’êtres arriérés, inférieurs et surtout inintégrables. Ces populations deviennent une catégorie de personnes à part, une Espèce Humaine à part, « pas comme nous » et avec des droits différents. Ainsi, la fonction de bouc émissaire de ces mêmes populations se dessinent, ainsi il est aisé de désigner ce qui est soit disant le mal présent et à venir de notre société.
« La Mise en Procès » jette des ponts à travers l’histoire pour montrer que l’Histoire se répète, autrement, le droit servant toujours l’économie et l’idéologie, et l’économie et l’idéologie justifiant toujours le droit.
« En un mot, c’est l’arbitraire établi par le droit et au nom même du droit. » (Olivier Le Cour Grandmaison)
Dossier de presse
Sur Froggy’s Delight (par Philippe Person)
D’un côté, un avocat pugnace, passionné, décryptant ce qu’il y a d’injuste dans ces codes solennels qui annoncent froidement le droit des étrangers, des indigènes, des esclaves, des sans-papiers.
De l’autre, “Madame la République” ou sa jumelle d’antan, “Madame la Royauté”, qui énonce derrière son pupitre le droit au nom du peuple français, le justifie au nom de valeurs universelles qui ne souffrent aucune contestation.
“Madame la République” paraît parfois en colère quand l’avocat fait mouche, s’attaque aux discours successifs qu’elle a tenus. Car Madame la République/Royauté lit des discours de tous ceux qui l’ont incarné, de Louis XIV à Jules Ferry, de Nicolas Sarkozy à Manuel Valls.
Elle a toujours le verbe haut, une capacité hors du commun pour les grands principes qui cachent les petites bassesses. Toujours du côté de l’universel, mais un universel plutôt blanc et capitaliste, un universel qui croit que la civilisation occidentale est supérieure aux autres, que l’étranger en France a plus de devoirs que de droits, qu’il doit se soumettre et s’assimiler.
Maylis Isabelle Bouffartigue, qui a écrit et mis en scène “cette proposition théâtrale”, a réussi dans “La mise en procès” à faire le tour complet de la face obscure du droit français.
Elle montre comment le pays des droits de l’homme a longtemps justifié l’esclavage avec le Code Noir, le travail forcé des “indigènes” dans les colonies avec le “Code de l’Indigénat” et comment, aujourd’hui, le même esprit répressif et peu accueillant règne dans le “Code des étrangers”. (lire la suite de l’article)
Dans Flash Hebdo Toulouse (par Cécile Brochard)
Maylis isabelle Bouffartigue, comédienne et metteuse en scène bien connue elle-aussi pour ses engagements humanistes, a mis en perspective des textes fondateurs de notre belle histoire de France, notamment le Code noir ayant régi l’esclavagisme. Dans la Mise en Procès contradictoire du Code noir, du Code de l’indigénat et du Code des étrangers, elle incarne les différentes figures de la France, tantôt sang bleu, tantôt République. Face à elle, un avocat, qui réfute un à un ses arguments et met les textes en procès, tout en les reliant à des dis- cours récents de nos politiques faisant appel aux mêmes idées. Le public est juge, l’ensemble est non seulement intelligent et constructif, mais il éclaire sans manichéisme les mécanismes anciens qui soutendent la peur de l’Autre et ses utilisations électoralistes actuelles. Le spectacle est suivi d’un débat avec les deux universitaires/chercheurs Olivier Le Cour Grandmaison et Louis-Georges Tin
Les photos sont extraites de l’article paru dans Divergences. Revue libertaire internationale en ligne
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