Le 2 octobre 2018, Libération se faisait l’écho d’une “bataille des scénarios sur l’immigration africaine”, à propos du livre de Stephen Smith paru en février 2018, La ruée vers l’Europe. La jeune Afrique en route pour le vieux continent (Grasset). Ce livre qui prédit une “africanisation de l’Europe” d’ici 30 ans a été amplement médiatisé et plusieurs fois primé. Il a été cité comme référence dès sa parution par Emmanuel Macron aussi bien que par Marine Le Pen. Plusieurs chercheurs ont réagi aux thèses avancées dans ce livre. D’abord, le démographe François Héran (Collège de France) qui démonte ses arguments basés sur des projections contestables sur le plan de la démographie. Et plus récemment l’anthropologue Julien Brachet qui fait une analyse très claire du livre, de son contexte idéologique et de ses enjeux : “un appel ouvert à des politiques xénophobes et racistes. C’est une note critique très pertinente, qui mérite d’être lue et qu’il ne faut pas hésiter à faire circuler.
(Voir ci-dessous : Où va la fausse science).
Stephen Smith de son côté, se défend dans Libération d’être le “fourrier de l’extrême droite” et crie à l’anathème et à la diabolisation sur le site FigaroVox… Les articles sur ce site (lisibles pour les seuls abonnés) s’intitulent ainsi : “Les thèses à rebours de Stephen Smith, l’Africaniste cité par Macron“, “Stephen Smith : la migration de masse n’a pas encore eu lieu“, “Stephen Smith : l’anathème a étouffé le débat contradictoire sur l’immigration“, “La jeune Afrique aux portes de la vieille Europe”, “Stephen Smith : au Sud du Sahara, 40% de la population a moins de… 15 ans“.
C’est bien le “péril noir” pour reprendre les termes de mes collègues, que ce livre répand, et qui se répand, à mesure qu’il est célébré par toute la classe politique, les médias et une partie des milieux intellectuels (néo)conservateurs (l’Académie française lui a décerné un prix). L’insistance sur l’âge — moins de 15 ans — suggère autant l’idée de “bombe démographique” qu’elle insinue une masse d’adolescents se déversant d’Afrique dans les cités des banlieues françaises.
Laurent Bazin, pour Le paria
Photo de Une : Stephen Smith invité de Jean-Pierre Elkabbach, dans la Matinale sur CNews, 29 juin 2018 (photo extraite de la vidéo).
Dans Libération
La bataille des scénarios sur l’immigration africaine
par Simon Blin, paru dans Libération le 2 octobre 2018
Le démographe François Héran conteste les thèses de l’essayiste Stephen Smith qui, dans son dernier livre, prédit une arrivée massive d’Africains en Europe d’ici à 2050. Projection réaliste ou fantasme démographique ?
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Ce fourrier de l’extrême droite que je ne suis pas
par Stephen Smith, Libération, 2 octobre 2018
L’universitaire et ancien journaliste à «Libération» Stephen Smith rejette les critiques qui l’accusent de participer à la «lepénisation des esprits.» Et appelle à un débat sans manichéisme sur l’immigration.
(lire l’article)
Réactions de scientifiques
Où va la fausse science
par Julien Brachet, anthropologue à l’IRD, La vie des idées, 4 octobre 2018
Après la démonstration, par F. Héran, de l’inconsistance scientifique des échafaudages de Stephen Smith autour des migrations africaines, J. Brachet met en évidence ce qui se joue réellement dans son livre partout célébré : l’appel ouvert à des politiques xénophobes et racistes.
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Comment se fabrique un oracle. La prophétie de la ruée africaine sur l’Europe
par François Héran, démographe au Collège de France, La vie des idées, 18 septembre 2018
Les prédictions alarmistes sur les migrations africaines ont le vent en poupe. François Héran montre qu’elles ne reposent pas tant sur une approche démographique que sur une conjecture économique, et un sophisme : le développement de l’Afrique ne pourrait se faire qu’au détriment de l’Europe.
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Stephen Smith ravive le mythe des invasions barbares, Macron et l’académie française applaudissent
par Julien Brachet (IRD) et Judith Scheele (EHESS), Le blog de mediapart, 2 octobre 2018
Deux universitaires, Julien Brachet, de l’IRD et Judith Scheele, de l’EHESS pointent la responsabilité des médias et des institutions influentes qui font la promotion du dernier essai « xénophobe et raciste » de Stephen Smith, « La ruée vers l’Europe. La jeune Afrique en route pour le Vieux Continent ».
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Migrations et développement, trois graves erreurs
par Pierre Jacquemot, ancien ambassadeur, politiste et économiste, site de l’Institut des relations internationales et stratégiques, 20 septembre 2018
La question de l’explosion démographique de l’Afrique subsaharienne – qui verra sa population plus que doubler d’ici 2050 – croise, dans l’imaginaire européen, celle d’une ruée de migrants se déversant sur les rives du Vieux Continent. Divers travaux scientifiques récents mettent à mal des préjugés sur les migrations qui nourrissent les peurs et font le lit des positions extrêmes. Trois affirmations sont fermement contestées au point de mettre à mal les logiques sécuritaires qui s’infiltrent dans celles du développement et de l’aide.
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L’Europe et le spectre des migrations subsahariennes
par François Héran, démographe au Collège de France, Population et Sociétés, n° 558, septembre 2018
L’Afrique subsaharienne devrait représenter 22 % de la population mondiale vers 2050 au lieu de 14 % aujourd’hui. Le nombre de migrants originaires de cette région devrait donc augmenter. Mais de combien et vers quelles destinations ? François Héran replace les migrations africaines dans le tableau mondial des diasporas. Il montre que le scénario pour 2050 d’une Europe peuplée à 25 % d’immigrés subsahariens ne tient pas la route. L’ordre de grandeur le plus réaliste est cinq fois moindre.
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