Le 26 septembre 2018, les rédactions de Regards, Politis et Mediapart se sont associées pour lancer le Manifeste « Pour l’accueil des migrants » signé par 150 intellectuels, artistes, militants associatifs, syndicalistes et personnalités de la société civile.
Jean-Luc Mélanchon crée la polémique sur ce manifeste après avoir refusé de le signer.
Le paria publie le texte du manifeste et appelle à le signer
Nous publions ci-dessous :
– Le texte manifeste/pétition
– Une vidéo des trois initiateurs du manifeste
– L’article de Libération sur la position polémique de Jean-Luc Mélanchon.
Manifeste pour l’accueil des migrants
Les rédactions de Regards, Politis et Mediapart s’associent pour lancer le Manifeste « Pour l’accueil des migrants » signé par 150 intellectuels, artistes, militants associatifs, syndicalistes et personnalités de la société civile. Nous invitons celles et ceux qui l’approuvent à le rejoindre en le signant en ligne sur change.org et en le partageant sur les réseaux sociaux sous le hashtag #pourlaccueildesmigrants.
Partout en Europe, l’extrême droite progresse. La passion de l’égalité est supplantée par l’obsession de l’identité. La peur de ne plus être chez soi l’emporte sur la possibilité de vivre ensemble. L’ordre et l’autorité écrasent la responsabilité et le partage. Le chacun pour soi prime sur l’esprit public.
Le temps des boucs émissaires est de retour. Oubliées au point d’être invisibles, la frénésie de la financiarisation, la ronde incessante des marchandises, la spirale des inégalités, des discriminations et de la précarité. En dépit des chiffres réels, la cause de nos malheurs serait, nous affirme-t-on, dans la « pression migratoire ». De là à dire que, pour éradiquer le mal-être, il suffit de tarir les flux migratoires, le chemin n’est pas long et beaucoup trop s’y engagent.
Nous ne l’acceptons pas. Les racines des maux contemporains ne sont pas dans le déplacement des êtres humains, mais dans le règne illimité de la concurrence et de la gouvernance, dans le primat de la finance et dans la surdité des technocraties. Ce n’est pas la main-d’œuvre immigrée qui pèse sur la masse salariale, mais la règle de plus en plus universelle de la compétitivité, de la rentabilité, de la précarité.
Il est illusoire de penser que l’on va pouvoir contenir et a fortiori interrompre les flux migratoires. À vouloir le faire, on finit toujours par être contraint au pire. La régulation devient contrôle policier accru, la frontière se fait mur. Or la clôture produit, inéluctablement, de la violence… et l’inflation de clandestins démunis et corvéables à merci. Dans la mondialisation telle qu’elle se fait, les capitaux et les marchandises se déplacent sans contrôle et sans contrainte ; les êtres humains ne le peuvent pas. Le libre mouvement des hommes n’est pas le credo du capital, ancien comme moderne.
Dans les décennies qui viennent, les migrations s’étendront, volontaires ou contraintes. Elles toucheront nos rivages et notre propre pays, comme aujourd’hui, aura ses expatriés. Les réfugiés poussés par les guerres et les catastrophes climatiques seront plus nombreux. Que va-t-on faire ? Continuer de fermer les frontières et laisser les plus pauvres accueillir les très pauvres ? C’est indigne moralement et stupide rationnellement. Politique de l’autruche… Après nous le déluge ? Mais le déluge sera bien pour nous tous !
Il ne faut faire aucune concession à ces idées, que l’extrême droite a imposées, que la droite a trop souvent ralliées et qui tentent même une partie de la gauche. Nous, intellectuels, créateurs, militants associatifs, syndicalistes et citoyens avant tout, affirmons que nous ne courberons pas la tête. Nous ne composerons pas avec le fonds de commerce de l’extrême droite. La migration n’est un mal que dans les sociétés qui tournent le dos au partage. La liberté de circulation et l’égalité des droits sociaux pour les immigrés présents dans les pays d’accueil sont des droits fondamentaux de l’humanité.
Nous ne ferons pas à l’extrême droite le cadeau de laisser croire qu’elle pose de bonnes questions. Nous rejetons ses questions, en même temps que ses réponses.
Voir le texte et la liste des signataires sur le site de médiapart
Accueillir les migrants, c’est se défendre nous-mêmes
Immigration, fracture à gauche
par Rachid Laïreche, paru dans Libération, le 1er octobre 2018
Le refus de Jean-Luc Mélenchon de signer une tribune en faveur de l’accueil des migrants, suscite une nouvelle polémique. Les responsables politiques signataires du texte, reprochent au chef des insoumis son attitude ambiguë sur le sujet.
Jean-Luc Mélenchon, l’homme qui a dit non. A quelques mois des européennes, il refuse de placer l’immigration au centre des débats. Un «piège» tendu par Emmanuel Macron et Marine Le Pen, une stratégie qu’ils mettent en place afin de rejouer le second tour de la présidentielle. Hors de question pour Mélenchon. Il tente de mettre en première ligne d’autres thèmes. Cherche à s’échapper. Sauf que la question occupe (également) les esprits à gauche. L’immigration revient sur le devant de la scène tel un boomerang.
«Mondain». Dernier épisode : un manifeste rédigé par les rédactions de Mediapart, Politis et Regards «Pour l’accueil des migrants». Plus de 150 personnalités (artistes, militants, politiques…) ont signé. Pas Jean-Luc Mélenchon ni ses proches. D’un revers de main, il a décliné la proposition. Dimanche, sur France 3, le leader de La France insoumise (LFI) a estimé qu’il y avait un «petit côté mondain», que c’était une «attitude de chiffon rouge qui excite l’extrême droite». Une belle petite pièce dans la machine à polémique. Un signataire : «Ses propos sont tristes. C’est dément qu’il ne signe pas cet appel, c’est contre-productif pour lui et la gauche. Il entretient une ambiguïté alors qu’il devrait être l’un des porte-drapeaux.»
Parmi les signataires, on retrouve Olivier Besancenot (NPA), Yannick Jadot (EE-LV), Ian Brossat (PCF), Christiane Taubira et Benoît Hamon. La relation entre Mélenchon et le fondateur du mouvement Génération·s varie en fonction des saisons. Ces derniers temps, elle est glaciale. Contacté par Libé, Benoît Hamon répond : «Jean-Luc voit dans l’initiative quelque chose de dirigé contre lui, alors que c’est un cri collectif contre le racisme, la xénophobie. Au lieu de faire bloc avec nous pour construire un rempart, car ce sujet devrait tous nous mettre d’accord, il devient un obstacle à l’unité.» L’ancien candidat socialiste à la présidentielle regarde un peu plus loin. «Aujourd’hui c’est la chasse aux migrants, après ce sera les étrangers [déjà installés en France de façon régulière, ndlr] et on ne sait pas jusqu’où ça peut aller», ajoute-t-il. […]
«Souffrance». Ce n’est pas la première fois que LFI et le reste de la gauche se fracturent sur l’immigration. En juillet 2016, déjà : gros tollé lorsque Jean-Luc Mélenchon parle du travailleur détaché qui «vole le pain» aux travailleurs «qui se trouvent sur place». Il y a quelques semaines à Marseille, le député s’est une nouvelle fois retrouvé au centre des discussions après avoir déclaré : «Oui, il y a des vagues migratoires, oui, elles peuvent poser de nombreux problèmes aux sociétés d’accueil quand certains en profitent pour baisser les salaires en Allemagne. Nous disons : honte à ceux qui organisent l’immigration par les traités de libre-échange et qui l’utilisent ensuite pour faire pression sur les salariés.»
Le chef des insoumis, qui a toujours été contre la «liberté d’installation», entend les critiques, guette les polémiques, et répète à qui veut l’entendre que «les gens ne partent pas par plaisir», que «l’exil est une souffrance» et qu’il faut «traiter les causes de l’immigration» sans laisser de côté le «devoir d’humanité indispensable». Récemment, il a milité pour que le gouvernement français ouvre ses portes à l’Aquarius. Il rappelle que les députés LFI ont combattu avec «force» la loi asile-immigration de Gérard Collomb. Et qu’il est favorable à la régularisation des travailleurs sans papiers. (lire l’intégralité de l’article)