3e fragment du texte écrit, lu et interprété par Rachel Cohen (comédienne, metteure en scène, auteure)
en ouverture de la soirée événement Le paria à La Colonie le 13 juin 2017
MOHA LAURENT
exilS pluriels
LE PAYS DE VOTRE LANGUE
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Et de foyers en foyers, vous arrivez dans une maison. A Korbach. Tu as douze ans Moha. Tu y restes deux ou trois ans.
– Moha : A onze ans je travaillais à l’épicerie turque après l’école et le week-end je faisais l’ouverture. Sept heures. Je trouvais le pain devant l’épicerie. Ça sentait bon.
En Allemagne, nous étions demandeurs d’asile. Nous avions des récépissés. Comme des cartes de séjours.
1997. Obligation de quitter le territoire allemand.
– Moi : Pourquoi ?
– Moha : Pas de papiers. En Allemagne nous avions le statut de réfugiés. Nous n’avions pas de papiers.
Donc 1997 : la France.
Le père dit : Ile de France – 93. Ma sœur.
La sœur du père les vire. Le père appelle le 115, le SAMU social.
Et de nouveau foyers familiaux, hôtels meublés. Les deux sœurs de Moha placées dans un foyer à Montmartre. Les deux frères dans un foyer à Clichy-la-Garenne.
Moha l’aîné. Moha l’ardent.
Histoire : la directrice.
Moha : On était jeune. La directrice piquait dans chaque enveloppe l’argent de poche, l’argent des services sociaux. Nous, on envoyait des « frigos » par la fenêtre. Les CRS nous interpellaient, nous frappaient. Garde à vue. 20 en garde à vue. A Clichy.
Le temps de se faire auditionner.
Tribunal de Nanterre. Juge des mineurs. On nous disperse dans des foyers dans le 78-93-94.
Moha, tu te retrouves à Etampes, à Saint-Martin d’Etampes. Foyer Sonacotra avec des gens avec ou sans papiers. Deux semaines puis un appartement de jeunes avec éducateurs. Tu as seize ans. Tu fais un stage dans une guinguette. Serveur « dj » à Etampes.
Puis tribunal. Garde à vue. Prison à 19 ans en 2002.
2-3-4-5-6 incarcérations. Quatre ans et six mois.
– Moha : Un skinhead m’agresse avec son couteau. Je prends le couteau. Lui faire comprendre : pourquoi tu me sors un couteau ? J’avais peur.
Légitime défense. Non. Tentative d’homicide. Fleury-Mérogis. Centre pénitencier de Liancourt. Grosse peine.
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Photo de Une. Séance de travail avec Rachel : écriture et lecture du texte “Moha Laurent exilS pluriels le pays de votre langue”.
Annexe
Le Parisien, 1er juillet 2016, “Saint-Denis, Epinay. Il louait très cher des chambres d’hôtel insalubres”
L’homme ne se sent nullement coupable. En louant à vils prix des logements insalubres à des personnes en difficulté, il n’aurait fait que rendre service : « Je lui ai fait plaisir », « je l’ai logée à titre gratuit », « je lui ai donné un petit logement pour la dépanner », égrène-t-il à la barre du tribunal correctionnel de Bobigny ce vendredi.
Entre 2006 et 2009, ce marchand de sommeil présumé, âgé de 47 ans, aurait loué des studios dans des copropriétés de Saint-Denis mais aussi des chambres dans trois hôtels frappés d’insalubrité (le Pax, rue Maurice, à Epinay-sur-Seine, l’Etoile d’or, rue Renan et le Montagnard, rue Gabriel-Péri, à Saint-Denis). Détail truculent : ces logements étaient pour la plupart payés par les services sociaux… « Vous interveniez dans le cadre de la chaîne du logement social du département », souligne le président du tribunal. « A l’hôtel Pax et au Montagnard, on faisait quasiment que du social, confirme le prévenu. Les gens nous étaient envoyés par le 115 ou les services des mairies. » (NDLR : Mais c’est lui qui est poursuivi, et non les services sociaux ou les mairies… lire l’article)