Paru dans Le Monde, 20 février 2018
Projet de loi asile : un texte qui fait pratiquement l’unanimité contre lui
Selon l’avis du Conseil d’Etat, la France n’avait pas besoin d’un nouveau projet deux ans après la promulgation de la précédente loi.
C’est devenu la « loi Collomb ». Officiellement baptisé projet de loi « pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif », le texte qui doit remplacer la loi du 7 mars 2016 doit être présenté en conseil des ministres mercredi 21 février, traînant dans son sillage une large vague d’émotion et protestations contre ses 38 articles qui visent à resserrer la procédure d’asile et améliorer les éloignements. A ceux qui estimaient qu’il ne manquait qu’une réserve du très sage Conseil d’Etat pour couronner le tout… La voilà.
Issu de la séance du 15 février, l’avis non public, que Le Monde s’est procuré, montre que le juge administratif suprême remet en cause l’opportunité même d’un nouveau texte à peine deux ans après la promulgation de la précédente loi. Les juges regrettent en effet que le projet « ne peut même pas s’appuyer sur une année entière d’exécution de certaines des mesures issues de la loi du 7 mars 2016 qu’avait précédée la loi du 29 juillet 2015 » et déplorent que « s’emparer d’un sujet aussi complexe à d’aussi brefs intervalles rend la tâche des services chargés de leur exécution plus difficile, diminue sensiblement la lisibilité du dispositif ». (lire la suite de l’article)
Ce matin, l’avis du Conseil d’Etat, révélé par le Monde, qui juge le projet de loi Asile-immigration inutile
Oui, et c’est une critique qui devrait faire réfléchir les parlementaires de la majorité avant la discussion du texte en avril, parce qu’il n’y a rien de pire pour une loi que d’être jugée inutile. Un projet dont on dit qu’il va dans le mauvais sens, c’est dans la nature du débat et bien sûr le Conseil d’Etat n’est pas dans ce registre… ce n’est pas son rôle. Il dit simplement des articles d’une loi proposée qu’ils sont, ou pas, conformes au droit, souligne les éventuels problèmes juridiques engendrés par le texte …
Mais quand la plus haute juridiction administrative dit d’un texte qu’il est inutile, là, c’est une vraie baffe politique. A propos de la loi immigration-asile, le Conseil d’Etat dit que les effets des précédentes lois, de mars 2015 et juillet 2016 (c’est hier en matière législative), ne sont pas encore mesurables ! Donc pourquoi légiférer ? Tant que les associations d’aide aux migrants et les oppositions critiquaient le texte, on pouvait se dire que chacun était dans son rôle mais là, le Conseil d’Etat (qui n’est pas spécialement composé de noborders et d’angélistes de l’accueil sans limite) fournit l’argument le plus cinglant : l’inutilité, donc l’instrumentalisation ! Le Conseil dit clairement qu’il s’agit d’une loi pour l’opinion, pas pour fabriquer du droit… (Lire la suite)
Photo de Une : France inter, Manifestation devant le Conseil d’Etat pour protester contre la loi Asile et immigration de Gérard Collomb © AFP / Julien Mattia