Des cérémonies de dégradation
par Emmanuel Blanchard
En juin dernier, pour la première fois un tribunal avait condamné l’État français pour des contrôles de police réalisés « en tenant compte de l’apparence physique et de l’appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race ». En se pourvoyant en Cassation, sur la base d’un mémoire révélé par Mediapart, qui soutient explicitement le bien-fondé des contrôles au faciès, le gouvernement a donné un véritable blanc-seing aux forces de l’ordre : à l’heure de l’état d’exception institutionnalisé et de la déchéance de nationalité, le contrôle au faciès, illégalisme routinier des forces de l’ordre, restera couvert par les autorités. Le signal est clair : les droits demeurent à conquérir par des mobilisations contre toutes les « cérémonies de dégradation » infligées par la police et autres appareils d’État. ⇒ Lire la suite
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Emmanuel Blanchard, La police parisienne et les Algériens (1944-1962)
Éd. Nouveau Monde, 2011
Lire l’épilogue de ce livre republié par le site LMSI (ci-dessous)
Sociogenèse d’un crime d’état
17 octobre 1961 : chèque en blanc à Maurice Papon
par Emmanuel Blanchard
En octobre 1961, toutes les conditions de possibilité d’une violence extrême étaient réunies. L’histoire longue des pratiques de police vis-à-vis d’une population racialisée et soumise à une emprise spécifique des forces de l’ordre ; l’état de quasi-belligérance entre une organisation armée et des policiers voulant venger leurs morts ; la désobéissance organisée à un « couvre-feu » qui, sans fondement légal, était le symbole d’une forme de souveraineté policière ; l’atteinte symbolique à la souveraineté nationale défiée par la parade d’une « organisation terroriste » avec laquelle il n’était possible de négocier qu’à condition qu’elle soit défaite ; le format du dispositif de maintien de l’ordre ; la tolérance hiérarchique et politique vis-à-vis de violences quotidiennes et de pratiques extra-légales considérées comme nécessaires ou pour le moins inévitables, sont au nombre des logiques qui permettent d’appréhender ce massacre inscrit dans la situation coloniale.