Touche pas à ton pote

Analyses, réflexions

Touche pas à ton pote

par Rehan

 

Touche pas à ton pote

Article paru le 6 janvier 2010 à Lyon dans le journal Outrage lors de l’épidémie de grippe H1N1

Face à la crise ou au terrorisme, pour sauver la planète, il nous faut chacun être à la hauteur. Répéter les gestes citoyens. Tous les grands discours, tous les dispositifs d’urgence mis en place autour du virus ne visent finalement qu’à ça : faire ressentir un sentiment de communauté, de cohésion. Face à l’impression collective de menace extérieure (et intérieure, puisque le virus peut être n’importe où), il n’y aurait pas de salut hors de la protection de l’État (qui communique, qui vaccine, qui gère), un État qui voit son existence et son efficacité démultipliées dans cette sorte d’union sacrée. Tous ensemble contre le virus ! Le dernier slogan à la mode c’était « La sécurité, c’est l’affaire de tous », maintenant c’est :

« Les gestes de chacun font la santé de tous »

D’abord, il y a la peur de se faire coincer, plus tard, comme pour le sang contaminé, qui encourage les « responsables » à responsabiliser tout un chacun : dire que la santé nationale dépend de tous, c’est dire : « si ça foire, ce sera un peu de votre faute aussi ». On a là un versant apparemment libéral du pouvoir : l’autonomisation de l’individu. On met les moyens à sa disposition, à lui de s’en saisir. Mais il s’agit aussi fondamentalement de discipline : faire attention à ses gestes, à ses embrassades, à ses contacts, savoir rester chez soi quand la situation l’exige. Pour ça, peu ou pas de quarantaine décrétée par le gouvernement, mais simplement le bon sens citoyen, le sens de la responsabilité. Le malade n’est pas tant ce pestiféré qu’on exclut, que ce père de famille responsable (comme dans le spot télé) qui prend soin de ne pas contaminer sa petite fille en suivant les conseils du ministère de la santé publique. En la matière, ce sont les gestes qui importent. Discipline hygiéniste du corps et de ses usages : le spot télé spécial « se laver les mains » nous fait retomber en primaire (un spot pour les adultes, un pour les enfants : « Vous devez vous laver les mains plusieurs fois par jour » et attention, pas n’importe comment : des pouces aux entre-doigts en passant par les poignets. C’est seulement comme ça que les petits points bleus du virus finissent au fond du lavabo. Tousser ou éternuer dans sa manche ou dans un mouchoir à usage unique, mais pas vers autrui. Ce sont les gestes « barrières » qui permettent de dire « Stop aux virus ». L’outil barrière c’est aussi le masque, finalement réhabilité sous conditions : interdiction des masques en manif, incitation au port du masque contre la grippe. (Mais que feront-ils face à des manifs de malades ?)

C’est l’ensemble de ces gestes relationnels que l’on cherche à discipliner.

L’état d’exception : une question

Au-delà des injonctions parfois contradictoires à être responsable, tout en suivant comme un enfant les conseils de propreté du ministère, tout un dispositif se met en place, au cas où le citoyennisme ne suffirait pas. Et là il ne s’agit plus de compter sur la coopération des gentils citoyens, mais de prévoir un régime de l’état d’exception, plus autoritaire. Par exemple, en prison, la dernière loi pénitentiaire prévoit, en cas de pandémie, un confinement des prisonniers malades dans leur cellule. [Annulation aujourd’hui (2020) de tous les parloirs, révoltes de détenus (et parfois évasions) dans plusieurs pays.]

Une circulaire discrètement passée cet été place l’institution judiciaire sous le régime de l’état d’exception : « la pandémie, c’est la guerre » comme le dit Xavier Emmanuelli, président du Samu Social. Alors on prévoit des audiences pénales à huis-clos, ou en présence d’un seul magistrat, des gardav’ où l’avocat ne pourrait être vu qu’à la 24e heure (faudrait pas que les pingouins prennent froid), des mineurs en correctionnelle, et des détentions provisoires prolongées de 4 à 6 mois.

(…)

L’étape d’après ? La vaccination obligatoire, qu’on sent venir au loin. A Lyon, on envisage de mettre en place des centres mobiles de vaccination, qui quadrilleraient l’espace pour distribuer la dose miracle (qui n’a pas encore été testée à fond). Par mesure de police sanitaire, la circulation et le rassemblement de personnes pourraient être limités.

Mais surtout la crainte actuelle, c’est que les rouages de l’économie ne se grippent. Et là, les grippe-sous commencent à flipper : « Une situation de pandémie grippale ne doit pas conduire à une paralysie progressive de l’activité économique du pays », peut-on lire dans le livret présentant le PCA (Plan de continuité d’activité). L’équivalent du service minimum mais face à une autre maladie que la grève… Heureusement, pas de panique, tout est prévu pour qu’on puisse taffer coûte que coûte : on ne peut pas payer des congés maladies à toute personne qui présenterait les symptômes du virus, alors on encourage à se faire sa petite quarantaine à soi, en prenant sur ses RTT. Eh oui, la responsabilité citoyenne a un coût.

Le virus permet également de ressortir la question du travail à distance. C’est pas parce qu’on toussote qu’on peut pas travailler sur internet non ? Ça tombe bien, faire bosser les malades, on y pensait déjà avant le virus.

(…)

Habiter la catastrophe

Comme toute situation de crise, la pandémie annoncée offre aussi des marges de manœuvre non négligeables. En matière de désertion d’abord. On voit bien que les services qui fliquent les salariés un peu trop fragiles et adeptes des arrêts maladie à répétition risquent d’être sérieusement débordés. Ça serait dommage de faire courir des risques aux collègues. Absences facilitées, donc, au taf ou au bahut. Et puis c’est quand même le grand retour du masque. De ses promesses d’anonymat, de jeux collectifs. Retour dans le dur et des possibilités de faire valoir nos propres exceptions dans cette situation : il y a quelques mois, pendant l’épisode de la grippe aviaire, des entreprises de la grande distribution avaient proposé une simulation dans un Carrefour de l’agglomération. Un exercice catastrophe peut-être prophétique : il s’agissait de mesurer les réactions des caissières et des personnels de sécurité confrontés à un pillage massif de supermarché, au moment d’un « épisode pandémique ». Difficile de gérer une foule d’individus masqués et prêts à tout pour faire main basse sur de la nourriture, des couches, du lait en poudre… Si les cauchemars de la grande distribution devenaient réalité, une réalité bien contagieuse, le risque sanitaire pourrait être supplanté bien vite par une sérieuse menace politique. De quoi sourire derrière nos masques.


Ensuite, un texte du début du confinement, 18 mars 2020

Viralité de la vérité

publié par Le paria le 18 avril 2020

La post-modernité relativiste et les alternatives facts ont peut-être enterré un peu vite l’idée ou plutôt la sensation de vérité. Conspirationnistes et chamanistes en tous genres sont quand même bien contents de savoir que les anti-inflammatoires c’est pas top en ce moment, et surtout… ils y croient. En ces temps d’effondrement généralisé du sens, ce message simple « pas d’Ibuprofen » a pulvérisé la cacophonie de tous les réseaux sociaux réunis. Voilà une plutôt bonne nouvelle du front !

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Protéger les plus fragiles ? Et les chibanis ?

Photographie © Bruno Boudjelal : photographier l’Algérie

publié le 31 mars 2020 par Le paria

Protéger les plus fragiles ? Et les chibanis ? Embrouilles au quartier, routine française, tous les jours, mais démultipliée car « nous sommes en guerre » : les flics le sentent et le savent : là, ils ont vraiment tous les droits.

La BAC emmerde les chibanis qui discutent sur les bancs, des jeunes, masqués se rapprochent, d’abord tranquillement « Oh faut les laissez eux… », les keufs répondent : « On t’a parlé toi ? Retourne là-bas, on vient vous contrôler après »…

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25 mars

Autre point d’analyse : il s’agit d’un événement « mou » dans le sens où sa propagation dans le temps est progressive. Ça le rend pas moins important, mais il diffère en cela des événements auxquels on est plus habitué (type 11 septembre).

Trois milliards de personnes sont confinées au même moment, jamais autant d’humains n’ont partagé un tel commun, qui en plus va durer, prendre le temps de nous pénétrer et nous transformer. Cette communauté d’expérience inédite laisse présager des affects communs à l’échelle de l’espèce, démultipliés. Ils ne sont plus juste invoqués (« l’internationalisme »), ils deviennent palpables.

Ce n’est pas parce qu’on pointe le virage techno-sécuritaire qu’il faudrait donner trop de poids au pouvoir et perdre de vue un point central : on n’enferme pas chez elles trois milliards de personnes par la force. Les gens le font d’eux-mêmes, volontairement. Toutes les sociétés ont connu des pandémies terribles et ces drames sont gravés dans les mémoires collectives. Pour la première fois cette ressource historique, mémorielle, est mobilisée partout en même temps. En dehors de toute gouvernementalité, il y a simplement l’humanité qui tente de faire face à une adversité commune, le virus. Ceci rend enfin réaliste la possibilité de faire face à d’autres types d’adversités, impériales. Pas gagné et pas tout de suite, mais l’actuelle communauté de gestes renforce cette possibilité d’une façon inédite.


Question d’anticipation pour penser l’événement :

Est-ce que c’est quand l’État va décréter la fin du confinement que les gens vont sortir faire la bringue, ou bien est-ce que c’est quand la vitesse des affects aura déjà fait sortir les gens que l’État devra acter la fin du déconfinement (déclenchant à ce moment une deuxième liesse) ?

La question de la sortie du confinement est très importante, en Chine ce serait bien sûr l’option 1, mais dans beaucoup d’endroits, il est bien possible que la rue déborde le pouvoir, ce qui serait une vraie victoire collective.

L’Italie est à suivre de très près (comprendre qui sort où et quand ?).

La seconde joie quand un État dira « oui, on met fin au confinement », si la rue a déjà commencé, sera une joie de la paix : ça voudra dire « pas de guerre » contre l’État.

Mais bien vite, il y aura un retour en force de l’économie qui sonnera la fin de la fête (sacrément belle quand même !). L’Europe va se retrouver dans une crise telle qu’elle va devoir emprunter, s’endetter. Et d’après-vous auprès de qui ? Seule la Chine, qui a déjà racheté on le sait le port d’Athènes, a les moyens de payer. Les Chinois seront peut-être les grands vainqueurs, à plusieurs niveaux, de cette séquence :

1) ils ont effectivement dominé le virus, et c’est eux qui nous aident actuellement !

2) leur modèle politique, technico-sécuritaire sort gagnant  (même si c’est plutôt Taïwan, Singapour et Corée du Sud, mais bon, c’est pas bien loin, et ça reste liberticide)

3) l’Asie dans son ensemble rafle la mise sur les marchés économiques

Dans ce cas, le virus réglerait la question de l’opposition Chine/Occident, et ce serait le révélateur de la fin de l’hégémonie occidentale, déjà en cours, mais dont on peine à se rendre compte, par ethnocentrisme. Pas de prétendue 3e guerre mondiale : l’un rachète l’autre et terminé.

Dès lors, il ne reste plus que la question de la synthèse sino-californienne (car il reste une vraie puissance proprement US dans la tech), au sein d’une impérialité sino-gafam.

Bon rien de sûr, mais cette ligne historique est une possibilité ouverte par l’événement. Nous deviendrions dès lors des sujets barbares, dans des provinces touristiques, loin des cœurs impériaux.

Des sujets qui ont fait dans cet événement une découverte qui n’a pas de prix : la puissance à l’échelle de l’espèce, la possibilité de stopper n’importe quelle machinerie sociale.

C’est quoi mourir ?

Ya urgence à repenser la mort, Vincianne Desprès dit par exemple que la mort, ça n’existe pas en soi : tout dépend de ce que les vivants font de leurs morts, une évidence, mais qui serait bonne à rappeler pour sortir du pathos actuel. Tout dépendra de quelles vies on donne à ces morts. Par exemple, des Chiites iraniens avaient un rapport à la mort complètement différent du nôtre qui leur a donné une force démesurée en 79 puis après contre Saddam Hussein.

Parenthèse sur le cas iranien

Par exemple, qd il y a eu les premiers blessés par balles dans les manifs contre le Chah en 79, les manifestants, au lieu de se sauver, se sont jetés sur les blessés à terre, non pas pour les soigner, mais pour tremper leurs mains dans leur sang et s’en enduire, répartir ainsi le plus de mort possible sur l’ensemble du corps collectif, mort visibilisée par cette couleur éclatante. Ils n’avaient PAS PEUR et voulaient montrer au monde qu’ils étaient près à mourir 10 fois s’il le fallait, s’enduisant le visage de sang, comme s’ils étaient déjà blessés, déjà morts. Face à une telle puissance de vie, le Chah et ses chiens n’ont pu que reculer, terrifiés : plus ils faisaient de blessés, plus ce sang contaminait les vivants et les rendait fous. Ils étaient sur-armés (par l’Occident), face à un peuple à mains nues mais la supériorité militaire a été sapée par la supériorité métaphysique. Certaines morts, pour les Chiites étant un grand honneur, ce qui les a rendu de nouveau invincibles face l’attaque de Saddam Hussein, lui aussi sur-armé grâce à ses pétro-dollars (et sa folie). Il y a eu 1 million d’Iraniens morts, contre 300 000 en face. Sans doute le dernier plus grand bain de sang militaire de l’histoire humaine, mais d’une certaine façon, pour des Iraniens, ya rien de grave, c’est le signe que leur peuple vit, et vivra toujours sa singularité.

Plus récemment, ce sont les mêmes Chiites qui ont payé le plus lourd tribu face à Daesh, et tout terroristes qu’ils étaient, les combattants de l’EI tremblaient d’avance à l’idée de voir débouler les Iraniens.

Réduire cette puissance là à la folie de quelques Ayatollah qui auraient manipulé les foules serait rater le rapport cosmique à la mort que les Chiites ont cultivé depuis des siècles et réactivé en situation.

Attention, j’suis pas en train de dire qu’il faut nous aussi donner dans la martyrologie, je dis juste que l’équivalence mort = négatif est bête, c’est le symptôme d’un occident moisi.

(Sinon, sur l’Iran, pas sûr que cette singularité ancienne ne se fasse pas avaler à son tour par la “culture monde”… Vous devinez même mon pronostique. Gageons alors qu’elle l’enrichisse de sa beauté ! Et puis encore une fois, pourquoi la mort, même d’une tradition (ou d’une langue), devrait-elle être en soi déplorée ? Tout dépend de ce que les vivants en font.)


Mise à jour sur l’Iran

Ouaou, j’le savais pas quand j’ai écrit hier mon encart sur l’Iran (pour penser la question de la mort, dans Yes Futur), mais je viens d’apprendre qu’il y a eu ce qui constitue selon moi les premières révoltes collectives contre le grand confinement !

Des Chiites (un peu barrés certes), organisent des rassemblements sauvages : ils refusent de mettre en sourdine leur foi à cause du virus, ils récusent frontalement les mesures du gouvernement qui interdit leurs rites à cause du virus, ils clament qu’ils sont prêts à mourir du Corona, qu’ils préfèrent ça à renier leur mode de vie. Ils n’ont peur de rien, le plus probable est que leur gouvernement ne puisse pas grand chose contre leur foi…


Ralentissement de l’épidémie depuis 4 jours en Italie.

Pour une fois depuis le début, sortent des énoncés officiellement dés-angoissants. Tant mieux !

Mais ce genre de phrases laisse pressentir qu’en face ils vont vite changer de stratégie de comm’ pour passer d’un discours sur-angoissant à un discours sur-rassurant, sur le mode “on a gagné”, quand ce sera encore la merde dans certains endroits et hôpitaux.


Sur les questions de la mort : ” En Sicile le 10 mars, 48 personnes ont été verbalisées pour avoir suivi un cortège funèbre malgré le confinement. Elles encourent même des poursuites pénales… ”


En 2016, le fameux Raoult publiait un livre optimiste, pour contrer les marchands d’angoisse et inviter sur des bases scientifiques à croire en la vie : Arrêtons d’avoir peur.

Attention tout de même, ledit Raoult a l’air un poil narcissique, l’étude qu’il a mené à Marseille sur 26 patients est très contestée, il a un peu bidouillé ses chiffres (et puis son hobby c’est… l’haltérophilie ?!).


Un appel à la grève depuis l’Italie

Traduction d’un texte paru sur “contropiano” (media communiste en ligne italien) : un appel de soignant.es italien.nes à une grève générale :

En Italie, des professionnel.les de la santé appellent à une grève générale le 25 mars avec ce slogan : je ne peux pas faire grève, fais-le à ma place.

Légende de la photo où l’on voit des soignantes avec une pancarte : Ne dites pas que ce sont des héros si ensuite vous les abandonnez !

Nous, travailleuses et travailleurs de la santé nous avons été laissé.es seul.es en première ligne pour combattre l’urgence sanitaire. Dépourvus des dispositifs de sécurité adéquats, sans test, sauf après la manifestation des symptômes, nous sommes en train de tomber malade par milliers et nous devenons nous-mêmes, paradoxalement, des sources de contagion.
Tous nos droits ont été suspendus : repos, congés, vacances, jours de repos pour assister des proches malades, grèves… nous sommes des anges ou des héros quand nous subissons en silence et on nous menace de mesures de rétorsion et de licenciement si nous essayons de relever la tête ou de « déserter la tranchée ».
Le COVID-19 est en train de mettre en lumière le démantèlement de la santé publique et l’incompétence criante dans sa gestion à cause d’une politique qui pendant des années a mis le profit de quelques-uns au-dessus de la santé de tous.
Aujourd’hui encore, devant la propagation rapide du virus, des millions de travailleuses et travailleurs sont obligé.es d’aller travailler dans les usines, les entrepôts, les supermarchés, les transports, les bureaux, sans que soient respectées les normes de sécurité les plus élémentaires, tandis que la condition nécessaire pour ralentir la course du virus et pour essayer de rendre possible des soins dignes pour tous reste la fermeture de toutes les activités productives non-essentielles.
Face à des gardes épuisantes dues à l’énorme carence en personnel et à l’inutilité de la santé privée en cas d’urgence sanitaire, les décrets du gouvernement continuent à répondre par des embauches précaires (bien que de nombreux concours aient déjà donné leurs résultats) alors que des financements considérables ont été accordés au privé.
L’heure de LA GREVE GENERALE a sonné ! LA SECURITE ET LA SANTE AVANT TOUT !
Bien que notre grève à nous soit symbolique (une minute, par roulement, parmi les personnels en service entre 13.30 et 14.30) nous vous demandons de faire grève. D’être nombreux à le faire, de le faire pour nous aussi.

Nous ne voulons pas être des anges, ni des héros. Nous sommes des travailleuses et des travailleurs de la santé.

#FaisGrèvePourMoi #MoiJeNePeuxPasFaisLeAMaPlace

Italie toujours, la GCIL annonce une large participation à la grève à Brescia et sa province. La grève concerne les secteurs de la métallurgie, du textile et de la fabrication de produits en caoutchouc et plastique de Lombardie.


Météo – 27/03

L’idée de ce bulletin est de ne pas se laisser submerger par l’événement en cours, sortir parfois la tête de l’eau pour essayer de voir un peu plus loin et peut-être se donner un coup d’avance.


Des vagues à l’âme

Le gros gros risque, comme l’histoire des épidémies le rappelle, ce n’est pas la première vague, ce sont les suivantes.

Aujourd’hui Beijing était de nouveau sur-polluée : tout repart de plus belle. Mais, Benjamin Cowling, épidémiologiste de l’université de Hong Kong, explique le paradoxe du confinement et de sa vraie/fausse réussite :

Du fait que la majeure partie de la Chine n’a pas vraiment eu un nombre important d’infections au cours de la première vague, la population demeure très vulnérable et peut être touchée par une épidémie importante. Tôt ou tard, une seconde vague est inévitable. Totalement inévitable.

Il y a donc un risque à crier victoire trop vite, après cette première vague, comme ce sera bientôt le cas en Italie (ça ralentit peut-être aussi déjà en Espagne). Surtout si jamais le virus mute, ce qui n’est pas irréaliste. Une fois qu’il aura attaqué tous les anciens et fragiles à sa portée, il frappera les plus jeunes comme ce fut le cas en 1920, par exemple à l’hiver prochain, si c’est un virus saisonnier. Or l’hiver prochain va arriver très très vite : compte tenu de la suspension actuelle du temps, tout va s’accélérer à la libération (j’emploie ce terme à dessein : les liesses futures sont à inscrire dans l’histoire des libérations et des révolutions, partout).

On n’aura à peine fini notre pinte que ce sera déjà septembre et sa rentrée néphrétique. Il n’y aura pas encore de vaccin (printemps prochain au plus tôt) et pas sûr que le système de santé ait eu le temps ou l’envie d’anticiper. C’est donc à nous de le faire, dès maintenant. Ce que nous vivons actuellement, en plus d’un drame pour certain.e.s,  est possiblement l’occasion d’un exercice d’apprentissage de l’autonomie dans la catastrophe. Des “Brigades Solidaires” en Italie et maintenant en France, ouvrent des pistes. (ex: Brigades Solidarité Populaire) Pour cette première vague, il nous reste une dizaine de jours pour avancer sur l’auto-organisation, développer de nouveaux rapports à la vie et à nos morts, avant d’entrer dans le dur et d’être touchés de plus près par la pandémie.


Garder le sens des réalités

Cet événement produit une synchronicité de réalités affectives identiques partout sur la planète. C’est inédit dans l’histoire humaine : Covid est le nom du premier événement de cette nouvelle histoire du monde. C’est l’occasion de se rappeler affectivement ce que vivent nos co-humains : gardons bien en tête que dans les bidonvilles du monde entier, des millions de personnes ne vivent qu’à la journée. Leur rapport au temps se résume à survivre jusqu’à demain. L’Inde a par exemple proclamé le confinement total, mais dans certains quartiers de toute façon surpeuplés (parfois sur des décharges), cette mesure ne veut absolument rien dire et révèle plutôt le non-sens de la grande politique : les enfants continueront de chercher de quoi se nourrir pour la journée et de mourir, entre autre, de la dysenterie. Il ne s’agit pas de se paralyser dans le misérabilisme, mais bien de suivre la ligne que trace le virus : par sa transversalité, il impose la sortie de nos petits mondes confinés.


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Contaminations politiques

publié par Le paria le 19 avril 2020

Toujours à l’échelle mondiale, le virus peut s’avérer létal pour des régimes qui passent pour stables, je pense par exemple à l’Égypte, la Turquie ou l’Iran. A première vue, la pandémie semble sonner la trêve politique, les dirigeants voulant imposer la grande union sacrée face à la crise. Mais il faut se méfier d’autant plus d’un dragon endormi.

Tout est sens dessus dessous, c’est pourquoi il faut replacer le virus dans son contexte d’apparition. Non pas l’élevage barbare et le capitalisme mondialisé, mais le contexte politique. La phase des « printemps arabes » a ouvert le cycle d’insurrections du millénaire…          ⇒ Lire la suite

 


Photo de Une : (extraite du site de l’INSERM) Manuel Rosa-Calatrava, Inserm ; Olivier Terrier, CNRS ; Andrés Pizzorno, Signia Therapeutics ; Elisabeth Errazuriz-Cerda UCBL1 CIQLE. VirPath (Centre international de recherche en infectiologie Unité Inserm 1111 – UMR 5308 CNRS – ENS Lyon – UCBL1). Colorisée par Noa Rosa C.